Portrait de conseiller : Serge LE QUEAU

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Chapeau

Qui sont les conseillères et conseillers du CESE ? Chaque semaine, retrouvez le portrait d'une ou un membre du CESE : parcours, engagement dans la société civile organisée et ambitions pour leur mandat au sein de la troisième assemblée de la République ... Focus sur celles et ceux qui forment la société agissante.

Corps

Fier d’être breton, Serge Le Quéau est un militant de longue date aux multiples engagements : défense de salariés et du service public, lutte contre les désertifications territoriales, actions contre la finance, démarche pour la réouverture d’une usine de production de masques lors de la pandémie de Covid-19... Il siège dans les commissions Environnement et Affaires Européennes et Internationales du CESE depuis mai 2021.

De James Bond à …  Bernard Lambert !

J’étais déjà beaucoup influencé par mon grand-père maternel, paysan très engagé politiquement et syndicalement. Mais la personne m’ayant donné l’envie d’entrer dans le syndicalisme, c’est Bernard Lambert militant et fondateur de la Confédération paysanne. L’anecdote est savoureuse. A l’âge de 15 ans, Serge Le Quéau est en route  avec un ami pour aller voir le dernier James Bond… la salle étant pleine et avec l’autorisation de sortie de leurs parents, ils décident de profiter et ne veulent pas rentrer trop tôt… Ils déambulent dans les rue de Quimper et voient des personnes se diriger vers une salle où Bernard Lambert tient un meeting. C’était un tribun exceptionnel au charisme incroyable ! raconte-t-il. En l’écoutant, en le regardant faire son discours, il confie à son ami :

« Je ne sais pas ce qu’il fait comme métier ce gars-là mais ça doit être passionnant ! »

Des années plus tard, lors d’un forum social de l’Océanie à Nouméa, Serge Le Quéau et José Bové, co-fondateurs du mouvement altermondialiste attac sont reçus par des tribus Kanak pour présenter leurs démarches. Ils réalisent que la personne à l’origine de leur engagement est la même : Bernard Lambert … !

La Poste pour toujours

Dès son arrivée à La Poste en 1973, Serge Le Quéau s’engage et se syndique immédiatement. Il y effectuera toute sa carrière professionnelle et y mènera nombre de combats. Il a eu tout d’abord des responsabilités nationales au sein de la fédération CFDT des PTT de 1973 à 1989. Puis, il est rapidement en désaccord avec les politiques menées à l’époque, celles des transformations des établissements publics (changement de statut de La Poste et des télécoms). Pour lui, c’est le tournant néolibéral européen avec la signature de l’Acte unique européen en 1986, qui engage tous les états membres à rétrocéder dans le secteur privé marchand tous les services publics non régaliens.

« Il y avait déjà fort à faire à l’époque dans la lutte contre la privatisation et le démantèlement du service public, ce qui a ensuite aggravé les fractures territoriales. »Sur ce grand processus de privatisation, il y a scission de la ligne confédérale et Serge Le Quéau fait partie des militants fondateurs du syndicat Sud PTT en Bretagne. Il y exerce des responsabilités nationales et siège pendant une dizaine d’années au Bureau national. Receveur dans une petite localité en centre Bretagne, il se spécialise dans la défense de la présence du service postal en milieu rural et dans l’aménagement des territoires.

Serge Le Quéau passe à… l’attac !

En 1998, il participe à la grande aventure de la création d’attac (association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne) suite à l’appel du rédacteur en chef du Monde diplomatique Ignacio Ramonet pour protester contre « la dictature des marchés financiers ». L’association altermondialiste attac est aujourd’hui présente dans 38 pays dont Brésil, Mexique, Canada et dans tous les pays européens. Membre du bureau national, du conseil d’administration et du Secrétariat exécutif de 1998 à 2008, il contribue à l’émergence des Forums sociaux mondiaux, qui regroupent les antis Davos (1er forum à Porto Allegre en 2002, puis à Dakar, en Pologne, en Inde…). Cet engagement l’a fait voyager dans le monde entier où il porte la parole d’attac et crée des structures. « J’agissais à la fois très localement pour le maintien du service public postal en zone rurale et je parcourais à la fois la planète en tant que militant altermondialiste ! J’étais bien occupé ! » se souvient-il. Chez attac, il a été également responsable de la commission « Paradis fiscaux » pendant 10 ans, et a beaucoup milité en Europe sur ce sujet. Il est très fier d’avoir été un membre fondateur de la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires regroupant une vingtaine d’organisations luttant contre l’évasion fiscale. 

En 2005, il milite activement à la campagne pour le non au référendum de 2005 du Traité de Constitutionnalité européen (TCE). « On l’avait emporté, les Français s’étant exprimés sur le non, majoritairement », il regrette que le gouvernement en ait décidé autrement. Cela reste aussi pour lui une expérience formidable de débat citoyen, rarement vue en France.

Un engagement sur tous les fronts 

Son mandat à l’Union syndicale Solidaires (ayant intégré Sud PTT) lui permet de siéger 10 ans au CESER de Bretagne pendant lesquels il est intervenu pour défendre l’emploi, les services publics et l’environnement mais aussi s’opposer au projet d’aéroport de Notre dame des Landes. Il a soutenu et le mouvement citoyen des gilets jaunes, auquel il a participé du début à la fin considérant qu’il fallait faire converger les luttes syndicales et les luttes citoyennes. Pour faire reconnaitre la représentativité de son syndicat en Bretagne il réussit à obtenir du Conseil d’Etat que soit attribué à chaque CESER et au CESE, des représentants de Solidaires. « Je suis un peu à l’origine de cette action. » admet-il. 

Serge Le Quéau s’est aussi beaucoup investi dans la lutte des salariés agricoles d’une grande coopérative bretonne intoxiqués par les pesticides : nombreuses actions médiatisées, interpellation des autorités publiques, du parlement et du gouvernement, lancement d’une pétition au niveau du parlement européen, obtention qu’un audit soit diligenté en France sur l’utilisation des pesticides (respect des directives européennes en matière de protection des salariés agricoles et de l’utilisation responsable des pesticides). 

« C’était la première fois en Europe qu’un citoyen obtenait un audit d’un Etat, ce qui est d’habitude la prérogative du  commissaire européen de la santé, de la commission, du parlement ou des états membres. »Il a poursuivi son engagement pendant 5 ans sur la lutte contre les pesticides en participant à la création d'une association des victimes des pesticides.

Nouvel espace d’actions et de lancement d’alertes : le CESE

Nommé en 2021, en tant que représentant de l’Union syndicale Solidaires, une de ses premières missions au CESE est la création d’un nouveau groupe avec FSU et la Confédération paysanne, « Alternatives sociales et écologiques » au nom très explicite. Leur engagement sur le terrain au quotidien, la défense du service public, la promotion d’un nouveau mode de développement, les rassemble. « On est très proches sur les valeurs que l’on partage, et engagé dans le collectif Plus jamais ça* ». 
Il siège au sein de deux commissions de travail : Environnement de par sa sensibilité aux enjeux environnementaux et Affaires Européennes et Internationales. Le fait d’avoir milité pour attac et de s’être fortement engagé dans la campagne pour le NON lors du référendum du TCE l’aide à la compréhension des sujets internationaux traités comme leur travail actuel sur l’Europe de la Santé. « Il est grand temps aujourd’hui de refonder l’Europe sur davantage de coopération et de solidarité que de concurrence et de compétition. Il faut amender le TCE  pour que l’Europe joue pleinement son rôle de protection des citoyens et soit un espace de progrès social et de démocratie, qui puisse servir d’exemples pour le monde. »
La saisine sur l’autonomie stratégique l’intéresse doublement car en mars 2020 en pleine pandémie il a lancé un appel au nom de Solidaires Côtes d’Armor en Bretagne (repris au niveau national) pour relancer une usine de masques (fermée 2 ans auparavant et délocalisée en Chine et en Tunisie avec licenciement de tous les salariés). Homme d’actions, il a mis en relation les différents acteurs locaux : élus, professionnels et citoyens aboutissant à la création d’une coopérative d’intérêt collectif.
A chaque élection présidentielle, la remise en cause du CESE peut advenir et il assure que la réforme de 2021 a sauvé l’institution. Il est ainsi très favorable à l’évolution du CESE vers davantage de  participation citoyenne qui est le point crucial de la loi organique. Serge Le Quéau a beaucoup travaillé sur les fractures territoriales et la défense du service public en milieu rural. « Aujourd’hui la participation citoyenne est essentielle pour pérenniser le CESE et pour en montrer toute sa pertinence. Comment faire participer les citoyens aux travaux du CESE de manière satisfaisante et en synergie avec les organisations de la société civile organisée, c’est un des enjeux de cette nouvelle mandature, et on doit tous en être conscient. » 


 « Le CESE est un outil de la République qui permet de savoir ce que pensent réellement et profondément les Français de par sa représentation de la société civile organisée. »« Cette institution a une grande utilité. Le CESE est le lieu où l’on peut échanger, les groupes représentés ne s’autocensurent pas et expriment leurs divergences d’intérêt et dissensus. Pour de bons consensus utiles à l’intérêt général, la parole doit être libre et doit aller jusqu’au bout du débat, il faut respecter et indiquer les dissensus quand ils existent car le pire serait de produire des avis utilisables par personne, qui soient peu opérationnels ».

Il y a de grandes questions et sujets sociétaux (jeunesse, climat…) à mettre sur la table et à discuter aujourd’hui. « Nous sommes dans une société extrêmement inégalitaire, il faudrait avoir la question de la répartition des richesses comme fil rouge des travaux du CESE », conclut-il. 

 

un appel pour la justice sociale et le climat lancé par 8 organisations dans les colonnes du JDD le 18 janvier 2020


Crédits photo : Katrin Baumann