Le pouvoir d'achat en Outre-mer, l'avis du CESE est adopté

Précision de date
MERCREDI 11 OCTOBRE 2023
Catégorie
Travaux et auditions
Date de publication
Chapeau

La « vie chère » est l'une des principales causes de mécontentement exprimées lors de mouvements sociaux depuis de nombreuses années, signe d’un mal-être qui perdure. Malgré une démarche « Oudinot du pouvoir d'achat » organisée par le ministère des Outre-mer à l’automne 2022, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur « Le coût de la vie Outre-mer », et un contexte d’inflation élevée, notamment sur les produits alimentaires et de consommation courante, les Outre-mer sont particulièrement touchés.

Corps

Le CESE a souhaité reprendre ce sujet, déjà documenté dans son étude de 2020 "Pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outre-mer : fractures et opportunités" rapportée par Véronique Biarnaix-Roche et Joël Lobeau, qui avait émis 19 pistes de réflexion qui restent pleinement d’actualité. 

L'avis présenté par Véronique Biarnaix-Roche (Groupe CFE-CGC) et Ghislaine Arlie (Groupe des Outre-mer) au nom de la Délégation aux Outre-mer présidée par Eric Leung  a été adopté avec 110 voix pour et 19  abstentions.

 

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Des propositions opérationnelles

Le CESE souhaite apporter à cette problématique très systémique des propositions d’ensemble et transversales pour l’ensemble des onze territoires, quel que soit leur statut (DROM ou COM). Les 10 préconisations sont formulées dans ce projet d'avis pour orienter les politiques publiques, dont certaines pouvant être immédiatement appliquées dans le cadre du Projet de loi de finances 2024, y compris dans l’hexagone, car des dispositifs comme le Bouclier-qualité-prix peuvent tout à fait être transposés au niveau national. Le texte précise en tant que de besoin, les mises en application des préconisations qui peuvent être différentes selon le régime juridique applicable à chacun des territoires (DROM et COM).

Le CESE appelle à une démarche équilibrée qui allie à la fois : l’augmentation des revenus et la diminution des inégalités, la maîtrise des prix), avec un renforcement du développement économique local et de l’accès à l’emploi de qualité, seuls à même d’installer une dynamique vertueuse pour les Outre-mer. Le CESE a établi ces préconisations pour une économie plus dynamique et durable, véritablement ancrée dans les territoires, et plus respectueuse de son environnement, permettant une hausse du pouvoir d'achat des ultramarins.

Le CESE formule donc dans cet avis des préconisations d’ordre général qui s’adressent principalement  :

au gouvernement :

  • Mise à disposition par les Centres communaux d’action sociale de « chèques » dédiés à l’aide alimentaire, à l’énergie, au transport, à l’eau et au logement, pour les foyers les plus modestes afin d’augmenter le pouvoir d’achat, prévenir le surendettement et maintenir l’accès aux services essentiels.
  • Mise en application en Outre-mer de l’ensemble des accords nationaux et des conventions collectives antérieurs à 2017 dont la « loi travail » prévoit le maintien, et le cas échéant leur adaptation aux spécificités locales.
  • Mise en place d’une commission spéciale au niveau du territoire réunissant les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives, pour adapter ces conventions collectives nationales aux spécificités ultramarines et les rendre applicables avant la fin de l’année 2024.
  • Demande à l’INSEE de mener une enquête spatiale des prix tous les 3 ans, plutôt que tous les 5 à 7 ans 
  • Rendre effective l’obligation de transfert des données de caisse des distributeurs en continu à l’INSEE, en Outre-mer comme cela se pratique dans le reste de la France
  • Renforcement des moyens de contrôle de la concurrence dans le secteur de la distribution, du fret, du transport aérien et des communications en Outre-mer (Autorité de la concurrence nationale, ainsi que de Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, et délégué interministériel à la concurrence dans les Outre-mer) 
  • Renforcement des Observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) : budget alloué par les préfectures, associations des OPMR au choix des produits intégrés au Bouclier qualité prix...)
  • Développement de filières alimentaires locales, structurées capables de fournir le marché en produits frais, fruits et légumes, produits laitiers et viande (en fléchant vers les organisateurs de producteurs les crédits du POSEI consacrés à la diversification agricole en Outre-mer, en développant les marchés de proximité de vente directe pour favoriser les circuits courts).
  • Demande du CESE à être officiellement saisi par la Première ministre dans le cadre de la préparation de la réforme de l’octroi de mer.
  • Organisation  des « États généraux du coût de la vie et du pouvoir d’achat » dans chacun des territoires, en incluant la fiscalité et en associant les CESER et les citoyens, pour la préparation de la réforme, en accord avec la proposition de la commission d’enquête parlementaire.

au parlement :

  • Majoration de la prime d’activité versée par les Caisses d’allocations familiales dans les Départements et Régions d’Outre-mer pour tenir compte de la faiblesse de revenus d’un grand nombre de salariés, de l’insuffisance de conventions collectives, et des tensions importantes sur le pouvoir d’achat avec un même mode de calcul appliqué à l’ensemble des DROM.
  • Evaluation des effets du dispositif de prime d’activité majorée notamment au regard des risques d’effets de seuil et d’aubaine qu’il comprend, car les exonérations sont concentrées sur les niveaux de 1 à 1,7 SMIC, puis jusqu’à 2,7 SMIC, qui représentent la majorité des emplois en Outre-mer. Une progressivité des exonérations permettrait d’éviter ces effets et d’augmenter les rémunérations sans pénaliser les salariés qui risqueraient de perdre le bénéfice de la prime d’activité majorée.
  • Approbation de la mise en place à titre expérimental d’un dispositif de dérogation aux normes françaises et européennes (du type marquage « RUP » en lieu et place du marquage « CE ») annoncée lors du Comité interministériel du 18 juillet 2023 (mesure 10). Le CESE préconise d’adapter ces normes « RUP » aux besoins propres des différents territoires (climatiques, sismiques…), en maintenant un haut niveau d’exigence sociale, environnementale, de qualité, de sécurité et de durabilité des produits. Il préconise d’y associer des taxes à l’importation réduites sur les produits qui n’entrent pas en concurrence avec des productions locales, qui permettront l’importation facilitée d’une liste de produits alimentaires, de grande consommation, de matériaux de construction, de pièces détachées, depuis les pays de la zone régionale.
  • Réforme de l’octroi de mer : en élargissant l’assiette à l’ensemble des biens et services ; en simplifiant les taux ; et en maintenant un différentiel de taux entre produits locaux et importés. Une liste de produits de première nécessité devra être exonérée. Cela permet davantage de transparence dans la formation des prix, de financement pérenne pour les Collectivités territoriales. Un contrôle des prix et des marges brutes devra être mis en œuvre pendant la période transitoire afin d’éviter tout effet inflationniste.

aux collectivités territoriales

  • Mise à disposition par les Centres communaux d’action sociale de « chèques » dédiés à l’aide alimentaire, à l’énergie, au transport, à l’eau et au logement, pour les foyers les plus modestes afin d’augmenter le pouvoir d’achat, prévenir le surendettement et maintenir l’accès aux services essentiels.
  • Réforme de l’octroi de mer : en élargissant l’assiette à l’ensemble des biens et services ; en simplifiant les taux ; et en maintenant un différentiel de taux entre produits locaux et importés. Une liste de produits de première nécessité devra être exonérée. Cela permet davantage de transparence dans la formation des prix, de financement pérenne pour les Collectivités territoriales. Un contrôle des prix et des marges brutes devra être mis en œuvre pendant la période transitoire afin d’éviter tout effet inflationniste.

Des échanges nourris sur ces 10 préconisations

Les rapporteures et les membres du CESE ont pu échanger ensemble et avec MM. Guillaume Vuilletet, député du Val-d'Oise et Johnny Hajjar, député de la Martinique qui ont respectivement présidé et rapporté la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur Le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. En effet pour cet avis, la délégation aux Outre-mer a travaillé en complémentarité avec eux : la délégation a suivi les auditions publiques de la commission d’enquête et mené ses propres auditions en parallèle en veillant à une bonne concordance entre les deux approches.

Ce travail s'inscrit dans la volonté de formuler des préconisations concrètes et d'inspirer les politiques publiques, y compris au niveau national.