Discours de Marc Fesneau : bilan de mandature du CESE

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Vie de l'assemblée
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Plénière du 30 mars 2021
Chapeau

Seul le prononcé fait foi

Intervention de M. Marc FESNEAU
Ministre chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

Conseil économique, social et environnemental
Séance plénière du 30 mars 2021

Corps

Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental, cher Patrick Bernasconi,
Mesdames les conseillères, Messieurs les conseillers,

Je suis heureux de vous adresser, à mon tour, quelques mots personnels pour ouvrir votre dernière séance plénière. A la suite du Premier ministre, je souhaite, tout d’abord, rendre hommage au formidable travail accompli par chacune et chacun d’entre vous au cours de cette mandature, singulière à bien des égards.

1/ Une mandature placée sous le signe des transitions

Salariés, employeurs, travailleurs indépendants, artisans, agriculteurs, acteurs de la cohésion sociale et territoriale, responsables du mouvement associatif ou coopératif, défenseurs de l’environnement, représentants des associations familiales… Durant cinq ans, dans la diversité de vos parcours et de vos fonctions, vous avez incarné la grandeur de l’engagement dans notre pays. Son dynamisme. Sa richesse. 
Ces formes d’engagement sont multiples dans les différents secteurs d’activités dont vous traduisez les préoccupations. Vous en défendez les intérêts, mais sans jamais perdre de vue l’intérêt général, toujours guidés par le recherche du consensus. 

C’est bien là, je crois, la « marque de fabrique » de votre institution : faire de la confrontation des points de vue un levier ; surmonter les controverses par le dialogue et la recherche du compromis ; transformer des revendications éparses en propositions collectives et en projets partagés. Cette capacité à vous emparer de sujets complexes – et à l’actualité parfois brûlante – pour les inscrire dans le temps long de l’analyse, exige des qualités rares. C’est une subtile alchimie, qui consiste à conjuguer l’expérience de terrain, au plus près des Français, et l’expertise sectorielle nourrie par les responsabilités que vous exercez. 

Mesdames les conseillères, messieurs les conseillers, au moment où votre mandat s’achève, je souhaite moi aussi vous remercier d’avoir mis ces compétences, pendant cinq ans, au service du projet porté par votre Président. Conformément à l’ambition qu’il avait affichée dès son élection, vous avez eu à cœur de concilier l’exigence d’efficacité économique, l’impératif de cohésion sociale, le souci de la préservation de l’environnement. Vous vous êtes investis sans compter votre temps et avec une infatigable énergie.

Le Premier ministre l’a rappelé mais j’y insiste : votre implication dans la réforme du Conseil, à laquelle le Président Bernasconi a donné une impulsion décisive, a été remarquable.

Le Président de la République en avait dessiné les contours devant le Congrès réuni à Versailles le 3 juillet 2017. Pour conforter la place du CESE dans l’organisation des pouvoirs publics, il avait fixé l’objectif d’en faire « la Chambre du futur ». Les événements que notre pays a connus à la fin de l’année suivante ont accéléré le processus que vous aviez engagé. Dès le début de la mandature, vous aviez la conviction qu’il fallait ouvrir davantage votre Assemblée à nos concitoyens, et mieux les associer à vos travaux. Cette exigence est devenue aussi une urgence, dans un contexte de défiance à l’égard des responsables politiques et, plus généralement, des institutions publiques. 

Les réponses que vous avez spontanément apportées au mouvement des « Gilets Jaunes » ont conforté les grands enjeux de la réforme. Dès le mois de décembre 2018, vous avez su mobiliser des outils innovants pour vous inscrire de manière originale dans la dynamique du Grand Débat national. Chacun en conviendra : c’était un véritable pari d’imaginer faire travailler ensemble des membres du Conseil et des citoyens tirés au sort, tout en sollicitant, dans le même temps, l’avis du plus grand nombre par une consultation numérique. Je crois que le défi que vous vous étiez assigné a été largement relevé.  
L’avis « Fractures et Transitions : Réconcilier la France » a été unanimement salué, tant pour la qualité de ses propositions que pour sa méthode de co-élaboration. 

Cette expérience réussie a naturellement désigné le CESE comme l’institution la plus apte à organiser ensuite la Convention citoyenne pour le climat. Innovation démocratique inédite à cette échelle, en France et dans le monde, c’est assurément l’un des moments forts de la mandature qui s’achève. Que de chemin parcouru depuis deux ans… Après l’adoption du projet de loi constitutionnelle complétant l’article premier de la Constitution, il y a quelques semaines, l’examen du projet de loi « Climat & Résilience », issu des propositions des 150 citoyens, a commencé hier à l’Assemblée nationale. Bien sûr, il est encore trop tôt pour tirer le bilan de la Convention citoyenne pour le climat, mais je sais que vous vous êtes attachés à poser le cadre d’une évaluation sincère et documentée. 

Je ne doute pas que les conclusions du « groupe de retour d’expérience », qui vient d’achever ses travaux, constituent un enseignement précieux pour les prochaines consultations citoyennes que vous serez amenés à organiser. L’expertise que le Conseil a acquise en la matière est aussi un formidable atout que l’exécutif va pouvoir exploiter pleinement – à commencer par mon ministère ! C’est d’ailleurs l’un des principaux enjeux de la réforme du Conseil que le Gouvernement a menée à l’automne dernier.

2/ Le CESE de demain 

Le Premier ministre l’a souligné : par les nouvelles pratiques que vous avez instaurées durant cette mandature, vous avez jeté les bases d’un fonctionnement renouvelé du CESE. Cette profonde rénovation, que vous avez vous-mêmes contribué à initier, est désormais inscrite dans la loi organique qui conforte le rôle de votre Assemblée, assoit sa légitimité et renforce son efficacité. 

Cette réforme entrera en vigueur dans deux jours. Beaucoup d’entre vous achèvent demain leur mandat et ne connaîtront donc pas la satisfaction de participer à sa mise en œuvre. Je pense ici tout particulièrement aux personnalités qualifiées, auxquelles je tiens à rendre un hommage particulier. Soyez certaines et certains que le CESE de demain conservera l’empreinte de la contribution décisive que vous lui avez apportée. 

Dans le prolongement des propos du Premier ministre, je souhaite vous faire partager quelques convictions qui s’attachent aux avancées permises par cette réforme. 

D’abord, la saisine du CESE par voie de pétition. Le cadre de la révision constitutionnelle de 2008 était bien trop contraignant pour lui permettre d’être effective. Mais, avant même l’élargissement des possibilités recours inscrites aujourd’hui dans la loi organique, je sais toute l’attention que vous avez portée à cette forme d’expression citoyenne.  
Les pétitions jouent un rôle d’alerte majeur sur les inquiétudes, les insatisfactions ou même les colères des Français. La première dont vous vous êtes saisis en 2017, sur les déserts médicaux, est le fruit d’une veille en ligne, qui vous a permis de repérer la sensibilité de nos concitoyens à ce sujet et l’importance qu’il prenait dans le débat public. Cette démarche n’a pas seulement été utile pour nourrir votre avis ; elle a aussi contribué, par la reconnaissance de leurs préoccupations, à restaurer la confiance des pétitionnaires dans les décideurs publics, à retisser du lien entre les citoyens et leurs institutions. 

C’est aussi le sens d’une autre avancée que je juge fondamentale : la possibilité donnée au Conseil d’organiser des consultations publiques en recourant au tirage au sort, avec toutes les garanties, nécessaires pour assurer la représentativité des citoyens et la transparence du processus. 

Les 150 citoyens qui ont participé à la Convention pour le climat reconnaissent unanimement avoir vécu une expérience exceptionnelle, qu’ils estiment devoir être réitérée. Ce jugement démontre que cet exercice a du sens, et pas seulement parce qu’il a été pour eux une source d’enrichissement personnel. J’y vois la preuve éclatante que la délibération collective, organisée de manière rigoureuse, constitue une contribution précieuse au processus de construction de la décision publique. 

Grâce aux prérogatives nouvelles de votre Assemblée en matière de participation, notre pays est désormais en mesure d’être davantage à l’écoute de la société civile dans son ensemble. L’heure est aussi venue de mieux prendre en compte ce qu’elle exprimera, notamment dans le processus d’élaboration de la loi. Il est essentiel que le Gouvernement et le Parlement consultent plus souvent le CESE, qu’ils s’appuient davantage sur ses recommandations, qu’ils exploitent pleinement l’expertise de ses membres. 

Ce ne sera bientôt plus une déclaration d’intention.  Avec le « principe de subrogation » inscrit dans la loi organique, nous avons désormais un puissant outil pour en faire une réalité : lorsque le Conseil sera saisi par le Gouvernement d’un projet de loi, il ne procèdera plus, à quelques exceptions près, aux autres consultations exigées par notre législation. Même si le Président Bernasconi y a toujours veillé, cette meilleure articulation de vos travaux avec les priorités de l’exécutif sera, je crois, une manière de rendre aussi plus visibles les transformations que vous permettez à notre société d’accomplir. 

Pour agir au plus près des besoins des Français, il est essentiel que nous puissions disposer d’une vision transversale de ce qui s’exprime sur les territoires. Là encore, la réforme du Conseil est porteuse de progrès. En donnant à votre Assemblée la capacité de travailler avec les assemblées consultatives placées auprès des collectivités locales, elle l’ancre résolument sur les territoires. 
En tant qu’élu local, je suis convaincu que les collectivités sont souvent des laboratoires d’innovation. Leurs expérimentations doivent être mieux connues et mieux partagées ; les « bonnes pratiques » méritent parfois d’être généralisées. Les avis des structures placées auprès des collectivités territoriales seront, je crois, riches d’enseignements pour le CESE. C’est un dialogue vertueux que nous voulons encourager, dans le respect des missions de chacun.

Les millions de citoyens engagés dans la société civile organisée, partout en France, sont évidemment les relais indispensables des difficultés et des alertes que nous devons prendre en compte, sur la base de constats partagés, au niveau national comme au niveau local. 

Je souhaite que le prochain Conseil puisse continuer à jouer ce rôle de vigie. Je suis convaincu que votre Assemblée peut et doit nous aider à relever les défis immenses auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés. J’en veux pour preuve les travaux de la commission temporaire sur la stratégie vaccinale. Sa proposition de feuille de route pour la prochaine mandature montre bien que le dispositif fonctionne. Les conseillers ont travaillé de manière très fructueuse avec le collectif de 35 citoyens tirés au sort sur ce sujet complexe, clivant et hautement stratégique. C’est, à mes yeux, une nouvelle illustration de la nécessité de construire ensemble les réponses qu’attendent nos concitoyens.  

***
Mesdames les conseillères, Messieurs les conseillers,

Nous sommes à ce moment charnière de la vie d’une institution où ses membres, dépositaires d’une histoire singulière durant leur mandat, sont appelés à transmettre l’héritage qu’ils ont contribué à bâtir. Vous pouvez être fiers, individuellement et collectivement, de ce que vous avez accompli au service de la troisième Assemblée et, au-delà, au service de notre Nation. Il est rare qu’un bilan, aussi solide soit-il, soit aussi un projet d’avenir. C’est pourtant le legs de votre mandature : un Conseil rénové et modernisé, conforté dans ses prérogatives et renforcé dans ses capacités d’action. 

Cher Patrick Bernasconi, je crois que vous avez coutume de dire, sans amertume, que vous avez écrit « la partition » de la réforme mais que demain, il appartiendra à d’autres de l’interpréter. A mon tour, je forme un vœu : que cette interprétation soit fidèle à l’ambition que nous portons collectivement pour revitaliser notre démocratie. Et que nous soyons, toutes et tous, à la hauteur de ce défi. 

Je vous remercie.

photographie © Katrin Baumann

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