Tarification progressive de l’eau : Le CESE se prononce sur les limites du dispositif actuel et suggère des mesures complémentaires pour répondre aux enjeux liés à l’eau

Sous-titre
Avis « Eau potable : des enjeux qui dépassent la tarification progressive »
Date
Publié le 29/11/2023
Chapô

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), saisi par le gouvernement dans le cadre du plan Eau, a présenté le 29 novembre en séance plénière son avis sur la tarification progressive de l’eau : « Eau potable : des enjeux qui dépassent la tarification progressive ». Cet avis dresse le constat des freins rencontrés dans la mise en œuvre de cette mesure, et présente un certain nombre de pistes à explorer pour compléter la tarification progressive et répondre de manière adaptée aux défis liés à l’eau.

Cet avis a été adopté avec 115 voix pour et 1 abstention. 

Description

D’ici à 2050, les débits moyens annuels des cours d’eau en métropole devraient diminuer de 10 % à 40 % et la recharge des nappes phréatiques de 10 % à 25 %, selon l’étude Explore 2070 de l’Observatoire français de la biodiversité (OFB). Une pénurie annoncée qui est déjà ressentie concrètement par un nombre conséquent de communes françaises subissant des ruptures d’approvisionnement en eau potable de plus en plus fréquentes. 

Au regard de ces constats, de ces prévisions et de la potentielle multiplication des conflits d’usage pour l’accès à l’eau potable entre différentes catégories d’usagers (ménages, agriculture et industries), le Président de la République a présenté le 30 mars 2023 un « Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau », dit « plan Eau », comprenant 53 mesures dont une concerne les recommandations attendues du CESE sur l’évolution de tarification progressive de l’eau. C’est dans ce cadre que la Première ministre Elisabeth Borne a saisi le CESE en septembre 2023 d’un travail « visant à dégager des recommandations afin d’accompagner les collectivités vers une généralisation de la tarification progressive comme moyen de fixer le juste prix de l’eau ».

En réponse à cette saisine, le CESE a préparé un avis dont l’objectif est de dresser les contours des meilleures pratiques en matière de tarification progressive de l’eau, de cerner les freins qui persistent, et de proposer des pistes quant à sa généralisation. Le CESE a auditionné de nombreuses collectivités et acteurs de l’eau sur le territoire français. Il s’est également appuyé sur deux autres avis qu’il a publié récemment sur la gestion de l’eau*.

A partir de ses travaux et des auditions qu’il a menées, le CESE a constaté que :
•    La mise en place d’une tarification progressive est potentiellement complexe et coûteuse pour les collectivités locales
•    La tarification progressive est difficilement applicable à certains usagers : particuliers en habitat collectif, entreprises, services publics…
•    La tarification progressive de l’eau peut se révéler socialement injuste, et n’encourage pas systématiquement à la sobriété
•    L’impact réel de la tarification progressive sur le volume d’eau potable consommé est difficile à mesurer
•    Les données sur la consommation individuelle et la composition des ménages sont encore difficilement accessibles.

Compte tenu de ces éléments, en réponse à la saisine de la Première ministre, le CESE appelle donc à la nuance : il estime que les conditions d’une généralisation de la tarification progressive ne sont pas réunies, et suggère d’étudier un certain nombre d’autres dispositifs permettant de compléter la tarification progressive pour répondre de manière adaptée aux défis de la sobriété des usages, de la qualité et de la disponibilité de la ressource en eau. 


Le CESE formule ainsi 9 préconisations visant à faciliter le déploiement de la tarification progressive et à compléter cet outil par d’autres dispositifs pour en améliorer l’efficacité. Il identifie notamment les quatre mesures suivantes :

1) Permettre à chaque usager de disposer d’un compteur d’eau individuel

Pour responsabiliser les consommateurs et inciter à la sobriété des consommations, le CESE préconise la mise en œuvre d’un plan national, pour permettre à chaque usager de pouvoir disposer d’un compteur individuel. Ce plan devra s’appuyer sur des mesures incitatives, notamment financières, des actions de sensibilisation et d’accompagnement des usagers, ainsi que de coordination des différentes parties prenantes (syndics de copropriétés, services publics de l’eau et de l’assainissement, opérateurs privés).

2) Supprimer la tarification dégressive avant le 1er janvier 2030
Parce que la tarification dégressive n’incite pas à la sobriété, le CESE préconise de la supprimer progressivement d’ici le 1er janvier 2030, avec une phase de transition pendant laquelle les professionnels ou services publics qui sortiront d’une tarification dégressive devront pouvoir bénéficier d’un accompagnement, technique et financier, par une agence de l’eau, afin de mettre en œuvre un plan de sobriété.

3) Mettre en œuvre un accompagnement social dissocié de la tarification
Le CESE préconise que les collectivités mettent en œuvre un accompagnement social pour les usagers les plus fragiles, avec une aide directe pour le paiement de la facture d’eau, accordée sous conditions de ressources, quel que soit le modèle de tarification ou la taille de l’organisme chargé de la distribution.

4) Promouvoir la mise en place d’une tarification saisonnière 
Le CESE préconise de promouvoir la mise en œuvre d’une tarification saisonnière dans l’ensemble des communes où l’équilibre entre la ressource et la consommation d’eau est menacé de façon saisonnière, y compris dans celles qui n’ont pas d’activité touristique. 
 

Le CESE préconise cinq autres mesures pour répondre aux multiples enjeux de sobriété et d’équilibre économique du secteur : 
• Consolider les données du Système d’information sur les services de l’eau et de l’assainissement (Sispea), pour connaître de façon détaillée la consommation des différents abonnés (particuliers, professionnels, services publics...) et permettre une meilleure prise en compte des différentes parties prenantes dans la construction des politiques publiques. 
• Élaborer un simulateur, outil d’aide à la décision pour évaluer l’impact des différents modèles de tarification sur l’équilibre financier de l’autorité organisatrice, sur le budget des consommateurs, mais également d’estimer la baisse de consommation attendue.
Anticiper l’augmentation attendue du prix de l’eau dans les prochaines années en lançant une étude prospective permettant d’évaluer les impacts économiques, sociaux et environnementaux, sous l’égide du Secrétariat général à la planification écologique.
•  Réviser le cadre réglementaire des autorisations de forage à usage non domestique pour mieux associer les collectivités au processus de décision. 
• Déployer des démarches de sobriété et de lutte contre le gaspillage de l’eau dans les entreprises.

Contact presse :
Noémie Barbaut
06 25 26 37 94
[email protected]

* « Comment favoriser une gestion durable de l’eau ? », avril 2023, et « La gestion de l’eau et de l’assainissement dans les Outre-mer », octobre 2022

 

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