Discours du Président Bernasconi - Assemblée générale de l'AICESIS

Catégorie
Vie de l'assemblée
Date de publication
Sous-titre
En présence de Iacob Baciu, président de l'AICESIS, et de Rémy Rioux, directeur général de l'AFD
Corps
Lundi 17 septembre 2018

Monsieur le Président de l’Aicesis, cher Iacob Baciu
Mesdames et Messieurs les Présidentes et Présidents
Mesdames et Messieurs les secrétaires généraux
Mesdames et Messieurs les délégués
Monsieur le Directeur général de l’Agence française de développement
Monsieur le Président de la section Transports, énergie, infrastructures et société de l’information du Comité économique et social européen
 
Mesdames et Messieurs
Chers amis
 
Laissez-moi tout d’abord remercier l’AICESIS d’avoir retenu la proposition française d’accueillir son Assemblée générale lors du Conseil d’administration d’Abdijan. La France, le Cese tout particulièrement, se sent toujours fière de porter la voix de la société civile. Et je le suis précisément à cet instant.  En vous regardant, ainsi réunis dans cet hémicycle, me viennent immédiatement à l’esprit et s’imposent à moi les mots de force, de richesse, de solidarité. C’est un sentiment de fierté que je ressens, mais c’est aussi le sentiment d’un retour à la normale après quelques années où notre propre institution, le conseil économique, social, environnemental, s’est comme repliée sur elle même, pour laisser de manière incompréhensible une chaise vide à la place qu’elle occupait jusqu’à présent sur la scène internationale. Comme vous le savez sans doute, c’était une priorité de mon mandat de faire revenir le Cese sur cette scène, en cohérence avec les axes stratégiques que, pour la première fois de son histoire, notre assemblée s’était votés quelques semaines après mon élection.
De nous remettre en ligne avec vous et peut être, sans doute, avec nous-mêmes, eu égard au rôle fondateur joué par la France dans la création de l’AICESIS en 1999. 
La première étape de ce retour sur la scène internationale fut européenne. La convention de partenariat signée en 2017 avec le Comité économique et social européen que présidait alors mon ami George Dassis et que préside aujourd’hui notre ami Luca Jahier, en porte témoignage. La deuxième étape, nous la vivons aujourd’hui à l’occasion de cette assemblée générale de l’Aicesis réunie à Paris. Je mesure le caractère unique de cet évènement international au cours de notre mandature. Je crois qu’il faut remonter treize ans en arrière pour trouver trace d’une assemblée de l’Aicesis en France. C’est donc avec émotion que je vous accueille ici ce matin. Que j’accueille, c’est ainsi que je le ressens, notre famille. Celle des assemblées des sociétés civiles organisées du monde, et je mesure la charge de responsabilités que cela fait porter sur nos épaules, nous avons un rôle fondamental à jouer dans les institutions de nos pays respectifs, dans la perspective d’un monde toujours plus démocratique. 
Un salut particulier peut être à nos amis italiens et libanais qui ont traversé des moments difficiles ces dernières années. A nos amis de la délégation de république dominicaine qui ont accueilli l’an dernier l’assemblée générale en plein ouragan, à nos amis guatémaltèques qui ont fait une très longue route pour observer nos travaux et pourquoi pas, demain nous rejoindre. A nos amis serbes enfin dont le pays s’est porté candidat à notre association. Merci de toutes et tous les applaudir.
 
Mes chers collègues, comme dans toute famille, nous sommes toutes et tous différents mais toutes et tous un peu les mêmes… Même si nos noms, nos langues, nos traditions et nos cultures diffèrent, nos valeurs sont communes. Nous partageons de plus cette conviction que nous représentons une force d’avenir, une force que nous tirons de celles et ceux que nous représentons, et qui forment les sociétés civiles organisées des pays du monde entier. Quand je vous confiais il y a quelques instants ressentir une impression de force devant vous tous ainsi réunis, c’est bien à cela que je pensais…Vous êtes ici, représentant les cinq continents, plus de 130 délégués, 40 délégations étrangères. Etrangères, qualificatif d’ailleurs discutable.  Des étrangers, nous ne le sommes plus vraiment dès lors que nous mettons en avant ce qui nous unit. Et ce qui nous unit, c’est bien une volonté. Celle de voir nos sociétés organisées davantage prises en compte, consultées, c’est au passage l’objectif de la réforme en France de notre institution, dans le cadre plus général d’une révision constitutionnelle souhaitée par le Président de la République française, Emmanuel Macron, mais j’y reviendrai.
 
J’y reviendrai après vous avoir fait partager l’ensemble des raisons qui me font à cet instant précis me sentir bien en face de vous, puisque l’un des vôtres, responsable d’une de ces institutions qui a bien des égards est un marqueur de démocratie.
En biologie les marqueurs indiquent les maladies mais permettent aussi de les dépister. Notre présence à nous est plutôt généralement le signe d’un état général satisfaisant, d’une convalescence en bonne voie ou d’une résistance à l’absence ou à l’insuffisance de dialogue entre acteurs politiques économiques et sociaux. Nous ne  sommes pas un contre pouvoir. Mais des informateurs, des lanceurs d’alerte, des garde fous, et dans le même temps des modérateurs et des docteurs en consensus. Et à ce titre, nous sommes des composantes essentielles de la gouvernance participative dans les sociétés modernes, bien loin des institutions démodées que certains aiment à décrire pour nous dévaloriser. Nous sommes au contraire des organismes ancrés dans leur temps, des facilitateurs, des constructeurs d’acceptabilité pour les projets qui nous sont soumis, des chercheurs de solutions équilibrées, des promoteurs de dialogue entre acteurs économiques, sociaux et environnementaux, des collaborateurs précieux que les décideurs politiques seraient bien inspirés de voir comme ils sont, c’est à dire des auxiliaires compétents, expérimentés et sages. Et reconnus comme tels. Ces corps intermédiaires, syndicats, associations, fédérations, fondations, dont le travail et l’expertise épaule et consolide la démocratie. Et qui, au travers d’une association comme l’Aicesis, promeuvent les échanges et ce dialogue si constructif dès lors qu’il est la règle entre acteurs économiques et sociaux. 
 
Nos assemblées font plus et mieux encore : en ce début de siècle marqué par la crise, le recul des solidarités, l’affaiblissement du dialogue citoyen, la montée des égoïsmes, du populisme, le retour des nationalismes, l’édification de nouveaux murs, nos assemblées sont je le crois, plus nécessaires que jamais. Car elles constituent des espaces de liberté, des lieux où l’on se parle, où des projets se construisent, des forums où l’expérience se partage, ou les évaluations s’échangent, où des options se discutent, des lieux où s’exprime en fait, à bien des égards, la diversité du peuple mondial et de l’humanité qu’il porte. 
Il y a parmi vous les représentantes et les représentants de conseils expérimentés, d’autres plus récents. Ceux dont le naissance est symbole d’un  renouveau démocratique dans leur pays, ceux qui ont résisté aux tentatives de les faire disparaître ou doivent faire face à l’hostilité de ceux qui les considèrent comme des empêcheurs de gouverner en petit comité ou sans intermédiaires, c’est à dire sans trop de débat et parfois très loin de la société civile. Nous faisons face depuis longtemps en France à l’animosité et à la médisance de certains. Qui n’ont jamais été au-delà des mots. Et que vient aujourd’hui contrarier la volonté du Président Macron. 
 
Le Président, tout comme le candidat qu’il fut durant la période de campagne est en effet convaincu de la nécessité de moderniser et de renforcer nos institutions. Une modernisation qui passe notamment pour lui  par une clarification du rôle de chaque assemblée et donc de la reconnaissance du CESE et de son renforcement. 
 
Quelques mots très rapidement sur ce point : que prévoit donc ce projet de réforme ? Tout simplement de faire du Conseil économique, social et environnemental le carrefour des consultations publiques et de le transformer en chambre de la participation citoyenne. Sa mission serait triple : éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux et sur les conséquences à long terme des choix qu’ils sont conduits à faire. Tout en organisant par ailleurs sur ces choix la consultation du public. Deuxième mission : accueillir et traiter les pétitions, et notamment les pétitions numériques, c’est à dire donner à ces initiatives citoyennes la place qu’elles méritent, tout en sachant qu’elles fournissent bien souvent des informations précieuses sur l’état de la société. Sur ces fractures dont elle souffre ici comme ailleurs. Qu’il s’agisse des fractures territoriales, sociales, qu’il s’agisse de cette fracture numérique qui sera au cœur de vos travaux durant ces deux jours. Enfin, troisième mission, le CESE serait systématiquement saisi des projets de loi à caractère économique, social et environnemental et son avis donné avant celui du Conseil d’Etat, et avant délibération en conseil des ministres afin de lui assurer sa pleine utilité et efficacité. Ce qui au passage fera peser sur nous une obligation de réactivité et nous imposera une certaine rapidité d’action afin que notre assemblée sache prendre sa place au moment où il le faut et dans les délais qui s’imposent.
 
Voilà, mesdames et messieurs l’esprit de ce projet de réforme qui nous est proposé en France, un projet dont vous étiez curieux de connaître le contenu, m’a -t-on dit. Un projet dont je pense, cela ne vous surprendra pas, qu’il va dans le bon sens pour notre pays. Et pour l’institution que j’ai l’honneur de représenter devant vous. J’ajoute que le rôle de notre Assemblée nationale et de notre Sénat ne se trouvent nullement affectés par une telle réforme. Au contraire me semble-t-il. Donner plus de poids aux corps intermédiaires signifie plus d’acceptabilité sociétale en amont des débats parlementaires, des décisions politiques, moins de tensions du fait de choix perçus comme discutables et donc au bout du compte un fonctionnement  plus démocratique de nos institutions. Dont je n’imagine personne se plaindre. 
 
Il est maintenant temps pour moi de conclure. Je le disais au début de mon intervention. Elle est agréable cette sensation de se retrouver en famille. Pour échanger. Confronter. Débattre. Examiner. Expertiser. Ce pour quoi nous sommes précisément missionnés dans les conseils économiques sociaux, environnementaux ou institutions similaires que nous représentons ici. C’est notre Adn. Nous ne sommes pas des diplomates, et ne marchons sur les plates bandes de personnes, nous laissons la politique étrangère à ceux qui la conduisent dans nos pays respectifs. Si nous sommes ici des ambassadeurs et des ambassadrices, ce sont celles et ceux de nos sociétés civiles. Des intermédiaires qui ne sont ni accessoires ni secondaires, ni négligeables mais bien au contraire des médiateurs, des interprètes, des conciliateurs, des chercheurs de consensus les plus larges possibles. C’est ce qui va rendre d’autant plus passionnant le travail que vous vous apprêtez à mener durant ces deux jours. Un travail dont je souhaite qu’il soit pour vous tous le plus enrichissant et le plus constructif.
 
Je vous remercie.

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