Discours de Marianne et Jean-Michel - Remise du rapport de la Convention Citoyenne sur la fin de vie au Président de la République

Précision de date
Lundi 3 avril 2023
Catégorie
Conventions citoyennes
Date de publication
Chapeau

Discours de Marianne et Jean-Michel, membres de la Convention,
Remise du rapport de la Convention Citoyenne sur la fin de vie au Président de la République.

 

Seul le prononcé fait foi

Corps

Monsieur le Président de la République,
Madame la Ministre,
Messieurs les Ministres,
M. Le Président du Conseil Economique Social et Environnemental,

Organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), que nous souhaitons remercier, la Convention Citoyenne sur la Fin de Vie a rassemblé 184 citoyennes et citoyens tirés au sort illustrant la diversité de la société française. 
Nous allons vous restituer la synthèse des travaux de la Convention citoyenne. Nous avons été tirés au sort lors de la dernière session ce week-end, pour rapporter ses travaux. 

Quand nous avons commencé nos travaux, la Première ministre nous a dit "soyez libres", et Claire Thoury nous a rassurés : « vous êtes légitimes ». Nous vous confirmons que nous l’avons été. 

Nous avions pour mission de répondre à la question posée par la Première Ministre :
« Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ?».

Pour cela, nous nous sommes réunis au CESE durant neuf sessions de trois jours entre décembre 2022 et avril 2023, soit au total 27 jours consacrés à entendre plus de 60 experts, français et internationaux, dans différents domaines - juridique, médical, religieux, philosophique -, à délibérer, débattre et voter des propositions, toujours dans le souci de préserver les nuances d’opinions, autour de ce sujet complexe, qui revêt à la fois de l’intime et du collectif.

Nous nous accordons sur un constat : 
Le cadre actuel d’accompagnement de la fin de vie n’est pas adapté aux différentes situations rencontrées. 
Deux raisons principales : d’une part, l’inégalité d’accès à l’accompagnement de la fin de vie et, d’autre part, l’absence de réponses satisfaisantes face à certaines situations de fin de vie, notamment dans le cas de souffrances réfractaires, physiques ou psychiques.

Face à ce constat, nous portons une conviction commune : l’accompagnement de la fin de vie doit être amélioré:

  • en développant l’accompagnement à domicile, 
  • en garantissant les budgets nécessaires pour rendre cet accompagnement effectif, 
  • en soutenant une meilleure formation des professionnels de santé sur les prises en charge palliatives, 
  • en renforçant l’accès aux soins palliatifs pour toutes et tous, partout, 
  • en informant mieux tous les citoyens et en intensifiant les efforts de recherche et développement pour mieux prendre en charge la souffrance et développer de futurs remèdes, 
  • et finalement en améliorant l’organisation du parcours de soin de la fin de vie.

Nous abordons maintenant les points qui ont suscité le plus de désaccord.
Au terme de débats nourris et respectueux, la Convention Citoyenne s’est positionnée majoritairement (76% des votants) en faveur de l’Aide Active à Mourir. Cette modalité a été considérée comme la plus adaptée pour respecter la liberté de choix des citoyens, combler les insuffisances du cadre légal actuel, notamment les limites de la sédation profonde et continue et mettre fin aux situations ambigües constatées. 

La Convention Citoyenne fait émerger une position majoritaire : celle de la nécessité de mettre en place à la fois le suicide assisté et l’euthanasie, dans la mesure où le suicide assisté seul ou l’euthanasie seule ne répondent pas à l’ensemble des situations rencontrées. Pour une partie des conventionnels, le suicide assisté doit prévaloir et l’euthanasie demeurer une exception.
Pour d’autres, le suicide assisté et l’euthanasie doivent être proposés «au choix».

A contrario, environ un quart des citoyens s’est prononcé contre une ouverture de l’Aide Active à Mourir. Ils ont notamment mis en avant la méconnaissance et la faible application du cadre actuel. Ils ont aussi souligné les risques de dérives que l’ouverture de l’Aide Active à Mourir pourrait faire peser sur les personnes vulnérables (les personnes dépendantes, en situation de handicap ou celles qui présentent une altération du discernement...) ainsi que les risques de déstabilisation de notre système de santé, face aux réticences fortes d’une partie des professionnels de santé qui s’inquiètent de voir appliquer l’Aide Active à Mourir au sein même des soins palliatifs. 

Nous avons travaillé à définir les situations qui devraient, de notre point de vue, donner accès à l’Aide Active à Mourir.
La volonté du patient, qui doit être respectée dans tous les cas de figure, est le préalable à tout accès à l’Aide Active à Mourir. Les principaux critères travaillés ont été : le discernement, l’incurabilité, le pronostic vital engagé, les souffrances (réfractaires, physiques, psychiques, existentielles), l’âge.
Pour les citoyens, le discernement doit être systématiquement pris en compte et analysé, de façon à s’assurer de la volonté libre et éclairée du patient. Ce discernement peut être exprimé de façon directe ou indirecte, via les directives anticipées ou la personne de confiance.
Sur la question de la condition médicale des patients, les critères d’incurabilité, de souffrance réfractaire et de souffrance physique sont jugés prioritaires. La question du pronostic vital engagé est également évoquée.
Sur la question de l’accès à l’aide active à mourir pour les mineurs, les avis demeurent très partagés.

Enfin pour les citoyennes et citoyens prônant un accès universel à l’aide active à mourir, sans autre condition que la volonté de la personne et l’évaluation de son discernement (c’est à dire : sans condition médicale pré-requise), l’accès à l'Aide Active à Mourir fait toujours l’objet d’un parcours et d’un accompagnement. 

Une majorité des citoyennes et des citoyens s’accorde sur la nécessité d’un parcours d’accès à l'aide active à mourir, incluant conditions d'accès, garde-fous et mécanismes de contrôle.

Des étapes clés ont été identifiées, assorties de spécificités selon qu'il s'agit d'un suicide assisté ou d'une euthanasie :

  1. Une expression de la demande libre, éclairée et révocable à tout moment 
  2. Un accompagnement médical et psychologique complet 
  3. Une évaluation du discernement indispensable et préalable à la validation de l’entrée dans le parcours d’aide active à mourir 
  4. Une validation de l’entrée dans le parcours d’aide active à mourir soumise à une procédure collégiale et pluridisciplinaire
  5. Une réalisation de l’acte encadrée par le corps médical 

 L’objectif est d’éviter des dérives potentielles de l'aide active à mourir à chaque étape du cheminement de la personne.  La traçabilité, le suivi et le contrôle de chaque dossier dès la première demande d'aide active à mourir et jusqu'à son terme doivent également être assurés par une commission de contrôle.

Concernant l’implication des personnels soignants, la Convention a adopté le principe d’une clause de conscience.


Nous souhaiterions pour conclure nous inspirer du dernier paragraphe de notre manifeste :

Nos travaux achevés sont désormais les vôtres. Ils sont le fruit d’une délibération collective dont nous portons les conclusions au débat public. 

L’accompagnement de la fin de vie est à la croisée de l’intime et du collectif.

M. le Président, 
Madame la Ministre
et Messieurs les ministres, 

Nous vous laissons vous emparer de cette question qui est un enjeu de société majeur.

Il est temps que la parole citoyenne soit pleinement entendue et prise en compte.