Discours de Claire Thoury - Remise du rapport de la Convention Citoyenne sur la fin de vie au Président de la République

Précision de date
Lundi 3 avril 2023
Catégorie
Conventions citoyennes
Date de publication
Chapeau

Discours de Claire Thoury, Présidente du Comité de Gouvernance de la Convention,
Remise du rapport de la Convention Citoyenne sur la fin de vie au Président de la République

 

Seul le prononcé fait foi

Corps

Monsieur le Président de la République,

Voilà que s'achève la convention citoyenne sur la fin de vie composée de 184 citoyens venus d'horizons différents, qui a construit en 4 mois, après 27 jours de travail, 9 week-ends, la contribution citoyenne au débat national sur la fin de vie que vous avez ouvert au mois de septembre. 

Deux citoyens, Jean-Michel et Marianne, prendront la parole après moi pour vous restituer les principales conclusions de leurs travaux mais je voudrais avant cela partager avec vous ce que je retiens de cette expérience démocratique extraordinaire qui vient de s'achever et que j'ai eu le privilège de suivre de très près. 

Tout d'abord, il me semble que la quête absolue du consensus n'est pas impérative. Poser la controverse, accepter d'être en désaccord, chercher à trouver des voies de passage sans nier les nuances et les différences, dépasser la conflictualité, est sans doute un horizon souhaitable pour notre débat public. C'est ce que nous avons réussi à faire dans le cadre de cette convention puisque vous le verrez Monsieur le Président, si une majorité claire se dégage, la réponse citoyenne ne dilue pas les positions les plus minoritaires, de sorte à n'empêcher personne d'être entendu et à ne pas alimenter des polarisations déjà bien réelles

Ensuite, la démocratie participative -les conventions citoyennes­est un exercice exigeant qui nécessite d'articuler le politique, l'intime et la méthode. Le politique car tout l'enjeu est de fixer un cadre de référence collectif qui permette à la société d'avancer ; l'intime parce que parler de fin de vie pour construire une réponse exigeante impose de partager un bout de soi avec d'autres mais aussi de recevoir un bout de l'autre avec soi ; la méthode parce que la démocratie ça se travaille, parce que ce sont des humains que nous avons en face de nous, parce qu'on ne peut pas anticiper tous les problèmes tout le temps, parce qu'on ne peut pas anticiper toutes les questions, toutes les interrogations, toutes les envies, ça implique de s'ajuster en permanence, ça implique d'accepter d'avoir tort parfois, ça implique d'accepter d'innover et d'expérimenter des solutions qui ne fonctionnent pas à tous les coups. Je crois que c'est cet équilibre difficile, exigeant, qui permet la confiance des citoyens les uns envers les autres mais aussi des citoyens envers l'institution, et c'est précisément cette confiance qui permet que cela fonctionne à condition qu'on ne perde jamais de vue que cette confiance elle se travaille. Autrement dit, quand on fait une erreur, on s'excuse ; quand on a des doutes, on les partage; quand on est en désaccord, on en parle.

Enfin, je retiens que lorsque l'on a le bon outil, les citoyennes et les citoyens, quel que soit leur niveau de diplôme, leur origine géographique, leur genre, leur catégorie socioprofessionnelle, leur âge, peuvent traiter de n'importe quel sujet. Plus encore, je retiens que lorsque l'on a le bon outil, les citoyennes et les citoyens, malgré leurs différences de vie ou grâce à ces différences, peuvent traiter de n'importe quel sujet ensemble.

L'exercice démocratique que l'on vient de vivre nous honore autant qu'il nous oblige. Il nous honore car je crois qu'il a montré la richesse, la force et la puissance de l'intelligence collective et il a montré que l'on pouvait changer d'avis. Il a montré que le débat était salutaire, que la confrontation de points de vue était source d'un enrichissement individuel et collectif, il a montré que lorsque l'on était à l'écoute de l'autre, lorsque l'on ne restait pas campé sur ses positions, l'échange et la délibération prenaient tout leur sens. Il nous oblige car c'est ce que l'on devrait exiger pour notre démocratie. Ne prenons pas le risque de transformer un formidable outil d'inclusion, d'engagement, de co-construction en une raison de plus de s'éloigner de la politique et de perdre confiance en l'action publique.

Travailler à 184 sur un sujet comme celui-ci n'est pas chose facile. Partager un peu de soi avec des gens que l'on ne connaît pas, cheminer ensemble en venant d'horizons différents, se faire confiance pour répondre à un enjeu si exigeant, à une question si importante, qui croise l'intime et le collectif, prendre le temps d'approfondir un sujet dans sa complexité, se confronter à des points de vue différents, accepter de changer d'avis. Être humbles, tout en étant très ambitieux. Voilà le tour de force de cette convention citoyenne, le tour de force de ces 184 citoyens.