Cérémonie des Voeux du CESE - Discours de son Président Thierry Beaudet

Précision de date
MARDI 23 JANVIER 2024
Catégorie
Président
Date de publication
Chapeau

Discours de Thierry Beaudet, président du CESE
Cérémonie des voeux du CESE

Seul le prononcé fait foi

Corps

Madame la Présidente de l’Assemblée nationale,
Madame la ministre,
Monsieur le président du Conseil constitutionnel,
Monsieur le vice-président du Conseil d’Etat,
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les présidentes, présidents d’organisations de la société civile
Mesdames les conseillères, messieurs les conseillers,
Mesdames et messieurs,

Je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation et vous souhaite la bienvenue au Conseil économique, social et environnemental. 
Et je vous fais part des excuses du Premier Ministre qui souhaitait être parmi nous ce soir, et qui a malheureusement été retenu. 
Bienvenue dans les murs du Palais d’Iéna, le seul bâtiment parisien entièrement construit dans un superbe nuancier de bétons.

A notre manière, avec les 175 membres et l’administration du Conseil, nous nous attachons à manifester la solidité et les nuances de la société civile, ou pour le dire autrement à manifester sa diversité et sa vitalité. Diversité et vitalité démocratiques sont au cœur de notre raison d’être. Et la matière ne manque pas, tant la démocratie reste un chantier social, politique et moral toujours inachevé !

C’est le philosophe Tocqueville qui rappelait que « chaque génération est un peuple nouveau ». Rien n’est acquis aux démocrates, il faut sans cesse convaincre de la pertinence, de la grandeur d’un régime qui fait le pari de la raison, de l’humanisme, du dialogue, de la réflexion.

De ce point de vue, bien des observateurs ont relevé le tournant que représente l’année 2024. La moitié de l’humanité est appelée aux urnes : aux Etats-Unis, en Inde, en Indonésie, en Corée du Sud, en Afrique du Sud, au Mexique, mais aussi en Russie ou en Iran, des scrutins nationaux vont non seulement décider des équipes au pouvoir, mais aussi de la place et de l’influence de la démocratie dans un monde marqué par le retour de la guerre et de l’unilatéralisme.

Car nous savons la démocratie en recul. Moins de régimes démocratiques, et plus de tentations autoritaires au sein des démocraties. D’élection en élection, une démocratie peut ainsi se perdre, se défaire, fouler aux pieds le pluralisme, les contre-pouvoirs, les droits fondamentaux, et se réduire à une forme de plébiscite.  Cet affaiblissement est en partie dû au fossé qui peut se creuser entre le politique et la société. Rappelons nous que ce qui caractérise une démocratie, c’est autant la capacité donnée aux citoyens de s’organiser librement que de voter. On votera cette année en Russie. En revanche, il sera toujours impossible d’y fonder une ONG ou un syndicat indépendant du pouvoir.

A ceux qui chercheraient un indice de vitalité démocratique, nous pourrions proposer la présence et l’influence d’un Conseil économique et social ! On en compte plus de 70 de par le monde, et quand la démocratie vacille, le sort qui leur est réservé est bien souvent une pure et simple suppression. 

A l’inverse, les regains de démocratie s’accompagnent souvent de leur retour ou de leur création !
Pour ce qui est du CESE français, il me semble qu’il est toujours plus reconnu pour ce qu’il est : la troisième assemblée constitutionnelle de notre République, passerelle nécessaire au rapprochement des sphères sociale et politique. 

En 2023, la convention citoyenne sur la fin de vie nous a placés sous les feux de l’actualité, et parallèlement ce sont nos avis qui, sur la durée et sur le fond, ont assis et confirmé le CESE comme foyer incontournable du débat public. Beaucoup d’entre eux ont connu un écho important. Je pense à l’avis sur le cannabis, qui a eu l’audace de mettre dans le débat public des propositions nouvelles, fortes, en rupture avec une approche purement répressive. Je pense à l’avis sur la pollution par les plastiques, élaboré juste avant la discussion d’un traité international, à l’avis sur la fin de vie, où nous avons trouvé la bonne articulation entre les travaux de la convention citoyenne et ceux des membres du Conseil. Je pense encore à l’avis sur l’impact des dérèglements climatiques sur la santé au travail, à notre dernier Rapport annuel sur l’état de la France, où nous avons alerté sur la perception toujours plus forte des inégalités sociales et sur la montée de l’écoanxiété. 

Et, pour rejoindre l’actualité, nous avons aussi produit des recommandations pour une vision partagée de notre agriculture, que nous savons en souffrance : une contribution au projet de loi et d’orientations agricoles, et tout récemment un avis sur la pérennité de l’élevage sur nos territoires. Est-il d’autre endroit dans la République où agriculture et environnement demeurent en dialogue de manière apaisée, chacune des parties entendant les enjeux de l’autre ?

En 2023, nous avons veillé à consacrer le CESE comme un forum républicain, un lieu ouvert sur la société, ouvert à la société. Je pense aux très nombreuses initatives et manifestations sur le travail,  l’immigration, la diplomatie féministe ou encore  le financement de la transition écologique ; un lieu de culture également, l’exposition en cours « Femmes, vie, liberté » consacrée à la situation des femmes iraniennes sur les grilles du Palais face à l’ambassade d’Iran en témoigne.

Un zoom sur la participation citoyenne. En 2023, ce sont près de 500 citoyens qui, dans nos murs, ont délibéré sur les sujets les plus divers, tandis que plus de 20 000 ont participé à des consultations en ligne. La convention citoyenne sur la fin de vie en a bien sûr été l’exercice le plus emblématique. Je considère que cette dernière ne sera pas terminée tant qu’elle n’aura pas trouvé son débouché législatif. Le Président de la République a annoncé récemment l’examen de lois sur le sujet, et je m’en réjouis. Quelles que soient les options retenues, le Parlement aura clos le cycle que vous aviez ouvert, Madame la présidente de l’Assemblée nationale, en venant à la rencontre des citoyens lors de leur première session et nous pourrons alors envisager la possibilité d’une nouvelle convention, dont le thème reste à déterminer. 

Après celle sur le climat, après celle sur la fin de vie, j’ai la conviction que les conventions citoyennes sont un instrument à utiliser plus fréquemment. En termes d’orientation et de fabrique des politiques publiques, les conclusions de centaines de citoyens travaillant en profondeur, dans un climat pacifié, peuvent purger un sujet de ses biais les plus flagrants et enrichir les discussions, dépassant les pensées reflexes. Un tel parcours est utile au Parlement. 

Ce n’est pas se tresser trop de lauriers que de constater que le CESE est une Assemblée qui invente, qui propose de nouvelles modalités de participation, une Assemblée qui œuvre à ce que ces nouvelles modalités trouvent toute leur place et toute leur reconnaissance dans ce que j’appelle un nouveau chaînage ou un nouveau continuum démocratique. 

Nous participons à façonner les nouveaux habits d’une démocratie moderne. Parce que nous incarnons la démocratie sociale, économique, environnementale, parce que nous incarnons aussi la démocratie participative, le CESE apparaît porteur de solutions au service de la revitalisation de notre démocratie et donc de sa pérennité. 

Le CESE ce sont donc des travaux, des initiatives, mais le CESE c’est aussi une méthode. Elle consiste à faire dialoguer des organisations qui peuvent avoir des intérêts opposés mais qui, au CESE, mettent leur énergie à trouver des dynamiques de convergence. Au CESE la démocratie n’est pas réduite à un sport de combat, même pacifique. 

Il nous faut des terrains d’entente et pas seulement des gagnants et des perdants. En 2023, je me suis employé à défendre cette méthode, notamment lors du Conseil national de la refondation et des Rencontres de Saint-Denis voulus par le Président de la République. 
La méthode, voilà l’enjeu. Notre pays a le goût de l’efficacité. Il a raison. Mais l’efficacité aujourd’hui ne passe plus par la verticalité mais par la co-construction, l’efficacité a besoin de fondations.

L’un des premiers gestes du Premier ministre, a été de rencontrer les partenaires sociaux. Nous y voyons un signe encourageant. La confiance ne se décrète pas, elle se construit. La société civile regorge d’acteurs responsables et engagés, ne demandant qu’à être utiles à notre pays.

Ce sont ces organisations vivantes, actives, cette société civile agissante qui permet la médiation, l’intermédiation entre tous les corps de la société française, qui font le CESE, qui font CESE.

Je sais qu’au nom d’une prétendue liberté, ces corps intermédiaires ont parfois pu être jugés corporatistes et archaïques, parfois même dénoncés comme de possibles obstacles entre l’Etat et le citoyen !

En réalité, nous parlons de millions de Françaises et de Français qui chaque jour à leur échelle, sur leurs territoires se dévouent à des causes qui leur sont chères, agissent, mais aussi développent une expertise d’usage, sans équivalent dans leur domaine. Ils ont la légitimité de la conviction, de l’engagement, du vécu, parfois à l’échelle de toute une vie. 

Ils ne demandent qu’à œuvrer main dans la main avec les pouvoirs exécutif et législatif. Et on ne compte plus les parcours débutés avec un engagement associatif ou syndical, comme celui du regretté Jacques DELORS, ancien conseiller au CESE. Les organisations de la société sont une école de la citoyenneté, de l’altruisme, du dépassement de soi et de l’exercice des responsabilités.

On y trouve un vivier d’énergie, d’intelligence et de connaissances au plus près de la société. Cette société civile montre en creux que l’Etat ne doit ni ne peut tout faire, tout savoir, tout anticiper. 

Disant cela je pense notamment à l’agenda autonome des  partenaires sociaux qui, mêlé à l’agenda politique du pays, produit souvent progrès et concorde. 

La maturité de notre démocratie se mesure donc aussi à la capacité de la société à s’organiser par elle-même. Les organisations de la société font vivre une imagination délibérative, des dialogues continus, au service de nos concitoyens. La représentation électorale n’épuise pas, à elle seule, l’intérêt général. 

Dès les années 70, Pierre-Mendès France le soulignait mieux que personne, en rappelant que les problèmes ne sont plus seulement politiques, comme sous nos premières Républiques, mais sociaux, humains, économiques. Il faut donc de nouveaux instruments pour répondre à de nouveaux besoins de démocratie et de participation.  

Madame la présidente de l’Assemblée nationale, Madame la Ministre, Mesdames et Messieurs, vous l’aurez compris, je suis convaincu que le CESE est plus que jamais une institution d’avant-garde, dont le potentiel est immense, pas seulement riche en promesses mais riche en effets. 

Quand la démocratie est en proie à la polarisation, elle doit être élargie et approfondie. Trop souvent sans doute, notre démocratie se prive de moments de décantation des débats. Sur beaucoup de sujets, je pense notamment à l’immigration, il faut partir de la réalité, ce qui, bien sûr, n’interdit pas les opinions. Trop souvent, des assertions jamais vérifiées guident les discours, faute d’avoir pris le temps nécessaire pour passer un sujet complexe au tamis des faits, pour le partager, le « refroidir », et organiser un débat traversant toute la société, en réunissant puissance publique, corps intermédiaires et citoyens. 

Détenteur du dernier mot, le politique ne peut ni ne doit plus porter seul le poids, et donc la responsabilité de la décision. 
Retrouvons le chemin d’une société qui se parle et qui s’écoute ! 

L’année 2024 nous verra traiter des sujets aussi importants que le pluralisme de l’information, l’articulation des temps de vie – professionnelle, familiale, personnelle -, la réussite à l’école, l’emploi dans la transition écologique, ou encore l’éducation à la vie sexuelle et affective… 

Nous contribuerons également aux échéances électorales de notre continent, puisque cette année 2024, sera marquée dans quelques mois par les élections au Parlement européen. 448 millions de citoyens appelés à voter. Notre Conseil aborde cette échéance avec grand intérêt, mais aussi avec une certaine appréhension face à la montée de l’abstention et la poussée des mouvements populistes. 

Le CESE organisera deux jours de débats entre les parlementaires européens sortants et la société civile, les 27 et 28 mars prochains, journées auxquelles vous serez toutes et tous conviés. 

Mesdames et messieurs,
Je vous souhaite, à vous et tous ceux qui vous sont chers, une excellente année 2024 !
Tous mes vœux de succès au nouveau gouvernement ! A vous Madame la Ministre. 
Tous mes vœux de succès aux parlementaires, naturellement à la présidente de l’Assemblée Nationale ici présente ! 
Le CESE et les citoyens de la Convention attendent avec impatience le contenu des lois à venir sur la fin de vie !

Tous mes vœux au Président du Conseil constitutionnel, et au Vice-Président du Conseil d’Etat, deux institutions qui fondent notre Etat de droit. 

Tous mes vœux aux organisations de la société civile,  

Tous mes vœux à toutes et tous,

C’est sur une note plus légère que je veux conclure 

Je remercie Dominique Anract, membre du groupe Artisanat et professions libérales au CESE, président de la confédération nationale de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie française, qui cette année encore nous offre des magnifiques galettes républicaines. Réalisée par M. Jean-Yves Boullier, de la boulangerie "Le Moulin de la Croix Nivert" à Paris. Toutes nos félicitations. 

Hier, l'équipe de France a remporté la Coupe du monde de la boulangerie 2024 une première depuis 16 ans.

Je vous remercie.
 

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Publiée le 26/01/2024

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