Le travail en questions, le CESE a adopté la résolution

Précision de date
27 JUIN 2023
Catégorie
Travaux et auditions
Date de publication
Saisine liée :
Formation de travail liée :
Chapeau

Les nombreux travaux du CESE menés sur le travail convergent vers la nécessité de consommer, de produire et de travailler autrement, tout en assurant, dans un objectif de performance globale, la pérennité de notre économie et la qualité de nos services publics. Le travail est traversé de tous les questionnements de notre époque. Il constitue notre quotidien et intéresse donc toutes les composantes de la société. 

 

Corps

La résolution présentée le 27 juin en séance plénière par les rapporteures Cécile Gondard-Lalanne (Groupe Alternatives sociales et écologiques) et Elisabeth Tome-Gertheinrichs (Groupe Entreprises) au nom de la Commission Travail et emploi présidée par Sophie  Thiéry l(groupe CFDT) a été adoptée à l'unanimité avec 119 voix pour.

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Fort de ses récents travaux et de sa représentation de la société civile indispensable pour reconsidérer le travail dans ses dimensions, sociales, sociétales, économiques et environnementales, le CESE souhaite contribuer au débat national. Pour observer, penser et accompagner ces transformations majeures, il propose d’organiser et d’accueillir des rencontres annuelles sur le travail en s’appuyant sur ses avis et des démarches participatives. Il formule à partir de consensus partagés, différentes pistes d'action :

Développer de nouvelles organisations du travail en repensant le rapport au travail

Principaux points de consensus
Les organisations du travail connaissent des évolutions accélérées notamment en raison des nouvelles possibilités techniques (travail à distance, dématérialisation, développement du numérique et aujourd’hui de l’intelligence artificielle). Par ailleurs, l’organisation des activités économiques s’est complexifiée en raison de l’allongement des chaînes de sous-traitance. Ces évolutions impactent, voire intensifient le travail et peuvent contribuer à réduire l’autonomie de celles et ceux qui le font.
Ces changements accélérés doivent être anticipés et accompagnés pour éviter qu’ils ne conduisent à une perte de sens, au sentiment d’un travail empêché et à une déqualification. Ce phénomène a pu par exemple être observé dans les métiers de la cohésion sociale. Ils se traduisent alors par une dégradation des conditions de travail (atteinte à la santé physique et mentale) et un risque de désengagement vis-à-vis du travail. Dans ce contexte, l’effort de prévention et d’accompagnement des entreprises et des travailleurs implique notamment un déploiement rapide de la réforme du système de santé au travail. En outre, lorsqu’ils ne sont pas appréhendés, ces changements peuvent induire l’obsolescence des qualifications et une pénibilité du travail accrue. Dans ce contexte, faciliter la formation tout au long de la vie est aussi un axe à privilégier.
Les organisations de travail doivent aussi permettre de limiter les risques sur la santé des travailleurs et participer à la transformation des situations de travail afin de tenir les engagements de lutte contre les dérèglements climatiques. Cette évolution est totalement articulée à un nouveau rapport à la consommation des ressources et aux mobilités domicile-travail et mobilités dans le cadre professionnel.

Pistes pour de futurs débats
• L’enjeu de la conciliation des temps de vie : quels outils pour y parvenir (coworking, télétravail, semaine de 4 jours, production 3D) avec une meilleure prévention des risques psychosociaux ?
• Ce que le numérique et l’IA font et pourraient faire au travail : risques et opportunités.
• Renouveler les pratiques managériales en développant la responsabilisation, la confiance, l'autonomie et le temps laissé à la relation à autrui qui donnent du sens à l'engagement au travail
• Engager et conduire résolument des actions de prévention de la désinsertion  professionnelle.
• Engager une réflexion sur l’impact des évolutions démographiques sur le travail

 

Engager dès maintenant la mutation des métiers vers une transition juste

Principaux points de consensus
Les métiers de demain devront répondre aux besoins d’une économie plus sobre et compatible avec les impératifs écologiques. Cette évolution requiert une mobilisation collective des acteurs pour qu’ils conduisent ensemble une réflexion approfondie sur le sens, la finalité et les mutations du travail, en lien avec le questionnement renouvelé sur le travail qui traverse notre société et notre époque. 

Ceci interroge le rôle social de l’entreprise, de l’administration et la part que les travailleurs y prennent. L’adhésion au travail, notamment pour les jeunes générations, exigera de plus en plus souvent la mise en cohérence de l’exercice de son métier avec les objectifs de la transition écologique et ce, afin que le travail ne constitue pas lui-même un obstacle à leur atteinte.
L’épisode de la pandémie a révélé le caractère essentiel de certaines professions, souvent à prédominance féminine, pour la collectivité. Or, ces professions sont apparues très insuffisamment valorisées. Reconsidérer la manière dont celles et ceux qui les exercent sont  accompagnés dans leurs perspectives d’évolution ou de transition professionnelle, reconnus et justement rétribués est une nécessité pour résoudre les difficultés de recrutement qui affectent aujourd’hui ces professions.
Accomplir sa vie professionnelle dans un environnement en mutation suppose la possibilité pour toutes et tous d’entretenir et de développer ses compétences et ses qualifications. Il s’agit de donner aux travailleuses et travailleurs un horizon de moyen terme et de leur ouvrir des possibilités de reconversion et de carrière. Faire face à ces enjeux suppose d’accepter de transformer en profondeur notre modèle. Dans ce contexte de transition écologique, le renouvellement des métiers et des compétences doit pouvoir être assuré de manière à sécuriser les parcours des personnes sur l’ensemble de leur vie professionnelle et à pourvoir aux besoins essentiels d’une économie durable et de services publics efficients. Dans ce but, il est urgent d’engager une politique volontariste à même de réduire les tensions observées sur le marché du travail dans les filières et les territoires.

Pistes pour de futurs débats
• Engager un véritable pilotage de l’évolution des métiers dans les transitions en cours en évaluant les impacts de leurs mutations sur les activités et les emplois
• Le maintien de l’employabilité de toutes et tous dans la transition écologique est un enjeu majeur : comment garantir l’accès effectif à une formation professionnelle adéquate et à des parcours de transition professionnelle choisis dans le cadre des mutations en cours ? Responsabilité des pouvoirs publics et modalités d’accompagnement des employeurs et des travailleurs

Dynamiser la démocratie au travail

Principaux points de consensus
Le CESE rappelle l’importance du dialogue social, du dialogue professionnel et de l’écoute des salariés pour faire face aux défis majeurs des transformations économiques, sociales et environnementales. Ses travaux lui ont permis de poser plusieurs constats :
- les instances représentatives du personnel sont aujourd’hui trop éloignées des situations de travail ;
- la négociation collective, qu’elle soit au niveau interprofessionnel, des branches - le cas échéant dans une déclinaison territoriale - ou des entreprises est à privilégier quant au sujet des conditions de travail ;
- le paritarisme est un acquis important de bonne gouvernance et de création de droits. Dans la branche AT-MP de la sécurité sociale le paritarisme doit rester au cœur de la mise en œuvre d’une politique de prévention des risques professionnels et de maintien dans l’emploi ;
- le dialogue social et professionnel ne couvre pas toutes les travailleuses et tous les travailleurs et notamment les plus précaires.

Pistes pour de futurs débats
• Comment faire progresser la démocratie dans les entreprises et les administrations ?
• Quel renforcement du dialogue social pratiques et périmètre) en matière de conditions de travail ?
• Comment développer dans le secteur privé et la Fonction publique le dialogue professionnel et l’écoute des salariés dans des espaces de discussion rénovés sur les organisations de travail ? Quelle articulation entre le dialogue social et le dialogue professionnel ?
• Comment assurer la représentation de tous les travailleurs et travailleuses y compris les plus « atypiques » : précaires, TPE, intérim, sous-traitants, nouvelles formes de travail indépendant ?

Lutter contre toutes formes d’inégalités, de discriminations et de précarités

Principaux points de consensus
Une action volontariste pour lutter contre les inégalités et la précarité au travail est d’autant plus essentielle qu’elle conditionne la possibilité et l’acceptabilité d’une transition écologique. Pour les actifs et actives précaires, les conditions d’emploi et de travail difficiles, de rémunération se conjuguent aux problèmes de logement, de mobilité et à des situations familiales complexes (familles monoparentales, situation 
de proche aidant). Par ailleurs, statistiquement ces populations sont beaucoup plus exposées au risque d’accident du travail et de maladies professionnelles, tout en accédant plus difficilement aux soins. Enfin, la possibilité de loisirs et de vacances est plus fortement restreinte pour la plupart de ces travailleurs.
Les situations de discrimination dans l’emploi et au travail sont un facteur d’aggravation supplémentaire. Au total, les situations de précarité au travail touchent plus fortement les jeunes, les femmes, les proches aidants, les personnes d’origine étrangère et les personnes en situation de handicap. En outre, sur le marché du travail, les seniors se distinguent par des difficultés bien supérieures en matière de retour à l’emploi.
En raison du coût du logement, certaines populations vivent des situations de quasi-relégation territoriale qui les placent dans des conditions de mobilité domicile-travail souvent très défavorables et écologiquement problématiques. Leur rapport au travail peut s’en trouver substantiellement affecté.

Pistes pour de futurs débats
• Penser le travail de demain dans sa fonction d’intégration sociale et de réduction des inégalités sociales et territoriales.
• Rechercher les moyens d’améliorer la qualité de vie et les conditions de travail, notamment des populations les plus précaires.
• Agir concrètement contre les discriminations au travail. Identifier les moyens de résoudre définitivement les inégalités salariales entre les femmes et les hommes et les inégalités de trajectoire professionnelle.