"Le sens de la peine" l'avis du CESE est adopté

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L'avis rapporté par Danièle Jourdain Menninger (Groupe des Associations) et Alain Dru (Groupe de la CGT) au nom de la Commission des Affaires sociales et de la santé a été adopté avec 132 voix pour et 1 contre 
lors de l'assemblée plénière du CESE du 13 septembre.

Corps

La justice est au croisement d’attentes diverses et contradictoires émanant de différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des victimes, des prévenus et condamnés, de la société en général. Le CESE centre sa nouvelle réflexion autour du parcours pénal et de ses enjeux.

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Un préalable aux 19 propositions d'actions

Il faut mettre fin à la « surenchère pénale », évaluer régulièrement les effets économiques et sociaux des politiques pénales conduites, réorienter les budgets de la justice vers le fonctionnement des juridictions et vers l’information des magistrats sur la situation des personnes mises en cause.

 

Le CESE identifie trois priorités :

  • la compréhension de la peine par les victimes, par les personnes condamnées, par la société. Mal connus, la justice pénale et certains de ses principes (la présomption d’innocence, l’irresponsabilité pénale en cas de troubles mentaux, la prescription…) sont à l’origine de malentendus. Les victimes doivent être mieux accompagnées, le plus en amont possible et à chaque étape
     
  • la dignité de la peine, à travers notamment une limitation des recours à la détention provisoire, la création d’une peine de probation autonome (déconnectée de la prison), l’organisation d’une régulation carcérale « à la sortie ». Une telle régulation n’empêche nullement de nouvelles condamnations : elle implique qu’au-delà d’un certain seuil d’occupation des établissements, une nouvelle entrée en prison impose l’identification, par les autorités judiciaires et les services pénitentiaires et de la réinsertion, de solutions pour libérer une place en détention      
     
  • l’individualisation de la peine : donner à la justice les moyens de décider, en ayant accès à des informations concrètes, précises et plus complètes sur la situation de la personne, de la peine la plus efficace pour lutter contre la récidive et permettre la réinsertion

Les préconisations clés de l'avis 

  1. Faire réaliser régulièrement, par le Parlement, une revue générale des délits et des peines, pour analyser leur utilité et leur réalité, pour réduire le nombre de délits sanctionnés par de courtes peines de prison et pour assurer une logique d’ensemble.
     
  2. Définir une stratégie globale de réduction de la détention provisoire en plusieurs axes :
    - une contraventionnalisation de certains délits
    - une limitation de sa durée, dans le respect de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
    - une motivation plus poussée de son utilisation qui indiquerait en quoi d’autres solutions ne seraient pas efficaces.
     
  3. Mettre en oeuvre une régulation carcérale en adopter une convention prévoyant, à partir d’un certain seuil d’occupation, l’identification de solutions de sortie (recensement des personnes susceptibles d’être libérées de façon anticipée : libération sous contrainte, réductions supplémentaires de peine, conversion du reliquat de peine…) associant les autorités judiciaires, pénitentiaires, d’insertion et de réinsertion, et dans le ressort de chaque tribunal judiciaire et dans le cadre d’un processus coordonné par les cours d’appel.

Le constat : aggravation de la situation carcérale 

Le CESE s'est appuyé sur une analyse approfondie des parcours de peine des personnes. Pour relever les évolutions survenues en 4 ans, le CESE a auditionné de nombreuses parties prenantes : avocats, magistrats, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, acteurs associatifs de la réinsertion, mais aussi associations d'aide aux victimes et a réalisé un déplacement d'une journée au tribunal judiciaire de Bobigny pour assister à des audiences de comparution immédiate et un autre à la maison d'arrêt des Hauts-de-Seine de Nanterre.

Les constats sont défavorables avec une surpopulation carcérale qui s'accroît chaque trimestre et la non atteinte de l'objectif de renforcer la place donnée aux alternatives à la détention pourtant affiché dans deux lois récentes.

Constats :

- reproduction des inégalités (précarité, addictions et fragilités...), la chaîne pénale les reproduit, amoindrit les chances de réinsertion et accroît les conditions d’un retour à la délinquance ;

grand écart budgétaire  : entre les sommes considérables investies dans la construction de nouvelles places de prison et les budgets consacrés à la réinsertion, aux alternatives à la détention et aux aménagements de peine ; 

contradiction forte entre la place données aux alternatives dans les lois et dans les discours d’un côté, la création permanente de nouvelles infractions sanctionnées par des peines de prison et la centralité persistante de la prison dans les décisions des tribunaux correctionnels de l’autre. La détention reste, de facto, le choix « le moins risqué » et la façon la plus immédiate de répondre à l’attente de réprobation. La surveillance électronique, en forte hausse, est sans accompagnement et n’a guère d’intérêt du point de vue de la réinsertion.

Le CESE s'était déjà saisi en 2019 du sujet sensible de la peine de prison dans son avis " La réinsertion des personnes détenues :l’affaire de tous et toutes" rapporté par Antoine Dulin.