Le CESE appelle à un plan d’urgence pour la psychiatrie

Sous-titre
Avis « Améliorer le parcours de soin en psychiatrie »
Date
Publié le 24/03/2021
Chapô

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté aujourd’hui son avis intitulé « Améliorer le parcours de soin en psychiatrie». 

Description

La crise sanitaire a ébranlé le système de santé français, révélant avec d’autant plus de force ses failles organisationnelles et parmi elles, celles du système de soin en psychiatrie. Sous tension depuis de nombreuses années, la situation de la psychiatrie s’est encore exacerbée ces derniers mois du fait de la crise sanitaire et psychosociale née de la pandémie. 

 

Alors qu’aujourd’hui, une personne sur cinq en France souffre de troubles mentaux, la prise en charge des patients reste défaillante. Elle s’apparente ainsi souvent à un cercle vicieux, au détriment des patients et de leurs proches : une méconnaissance de la maladie mentale qui suscite une stigmatisation persistante ; des complexités qui entraînent des retards dans le dépistage et le diagnostic ; une entrée dans le soin trop tardive, qui passe trop souvent par des urgences hospitalières débordées, voire par une procédure de soin sans consentement qui aurait pu être évitée ; un parcours de soin et un accompagnement non coordonnés… Les récentes alertes des psychiatres et de la contrôleuse générale des lieux de privation et de liberté au Ministère de la Santé constituent autant de conséquences de ces failles, auxquelles s’ajoute également des problèmes particuliers pour la filière pédopsychiatrique, aujourd’hui en danger.  

 

Face aux difficultés persistantes de la psychiatrie,  et dans la lignée de ses travaux antérieurs, le CESE a décidé de s’emparer du sujet. Sur la base d’un état des lieux de la psychiatrie en France et au travers de la conviction forte que le respect des droits et de la dignité des personnes est une condition de l’efficacité des soins, le Conseil formule dans ce projet d’avis des recommandations autour de trois objectifs :

 

  • Améliorer la connaissance et la représentation de la santé mentale 

Face à la méconnaissance latente des maladies psychiques, et à sa stigmatisation, qui agit comme un puissant obstacle à l’entrée dans le soin, le CESE appelle à mettre fin à la stigmatisation des patients par les institutions : aucune personne ne doit systématiquement figurer dans un fichier du renseignement ou de la police du seul fait qu’elle a été, est ou serait atteinte de troubles psychiatriques. Le Conseil recommande également de relancer une stratégie volontariste de déstigmatisation, à travers la conduite de campagnes d’information et de sensibilisation sur la santé mentale, à destination du grand public et de publics particuliers, notamment les jeunes et certaines professions plus exposées que la moyenne à des risques de troubles de la santé mentale (suicide, etc.). 

 

Le Conseil préconise par ailleurs de multiplier les formations aux premiers secours en santé mentale, pour acculturer la population aux troubles psychiques et de mieux organiser, au moment du diagnostic, l’information sur la pathologie, les traitements, la prise en charge et l’accompagnement, à la fois pour les patients et pour les proches aidants

 

  • Favoriser une entrée plus précoce dans le soin 

Selon le baromètre UNAFAM de 2020, 47 % des personnes souffrant de troubles d’ordre psychique ont attendu plus de 24 mois avant d’accéder à un diagnostic. Devant ce constat, le CESE invite notamment à reconnaître et consolider le rôle pivot des médecins généralistes en renforçant leur formation initiale et continue en psychiatrie, en développant les outils de dépistage à leur disposition et en améliorant la coordination avec les psychiatres. 

 

Pour pallier les obstacles liés à l’accès aux soins, le CESE recommande de renforcer « l’aller vers », en étant davantage présent sur les lieux de vie, afin de mieux appréhender la spécificité des besoins des publics concernés. Pour les jeunes, notamment, le Conseil préconise de renforcer les moyens humains et financiers des services de médecine préventive et de promotion de la santé, notamment universitaires, pour améliorer la prise en charge de la détresse psychologique en permettant l'accès à une plus grande diversité de spécialistes. 

 

Le CESE s’inscrit également dans le débat sur les voies et moyens d’un plus grand remboursement des consultations chez les psychologues libéraux et recommande d’accélérer le processus d’évaluation des expérimentations en cours pour déterminer les conditions d’un remboursement par l’Assurance-maladie

 

Le CESE appelle par ailleurs à améliorer la prise en charge hospitalière, à travers l’élaboration d’un plan d’urgence pour la psychiatrie, indépendant des engagements du Ségur de la santé, en compensant le sous-investissement dans le secteur public en moyens matériels et humains, en sanctuarisant, dans les établissements de santé, les enveloppes dédiées à la psychiatrie et en pérennisant un financement de la psychiatrie à la hauteur des besoins et tenant compte de leur augmentation, liée notamment à la crise sanitaire.

 

Le CESE s’inquiète enfin des dangers liés au devenir de la filière pédopsychiatrique et invite à en renforcer les moyens et à former davantage de pédopsychiatres. 

 

  • Renforcer la coordination médicale et médico-sociale afin d’assurer l’accompagnement des patients et des patientes et de leur famille

Pour un ou une malade qui connaîtra une rémission stable, six sur sept devront apprendre à vivre avec la maladie, d’où l’importance d’un accompagnement pérenne des patients dzans leur insertion professionnelle et leur accomplissement social. S’il soutient la mise en place des Projets territoriaux de santé mentale, le CESE préconise d’en réaliser un bilan qualitatif concernant les objectifs d’inclusion, de couverture territoriale et de participation des patients, des proches aidants et des associations qui les représentent. 

 

Pour favoriser la coordination, le CESE recommande de mettre en place dans les territoires des formations croisées associant acteurs et actrices de santé et des secteurs médico-sociaux et sociaux, patientes/patients et proches-aidants pour susciter et faciliter le travail en réseau.

 

Selon le Conseil, il faut également renforcer la place de la psychiatrie dans l’accompagnement de la personne âgée, avec deux priorités : mieux identifier les fragilités psychologiques et psychiatriques, souvent aggravées par l’isolement, chez les personnes âgées et mieux assurer la détection et la prise en charge des pathologies somatiques chez les patientes et patients âgés atteints de troubles psychiatriques.

 

Cet avis, rapporté par Alain Dru (Groupe CGT) et Anne Gautier (Groupe de l’agriculture) au nom de la Section des affaires sociales et de la santé, présidée par Aminata Koné (Groupe UNAF) a été présenté lors de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental du 24 mars 2021. 

L’avis a été adopté en plénière à l'unanimité.