Deux institutions à l’écoute des citoyens

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Éclairages
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Entretien avec Jean-Pierre Bel et Jean-Paul Delevoye
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Présidents respectifs du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, Jean-Pierre Bel et Jean-Paul Delevoye partagent le même regard sur les institutions qu’ils président, leurs forces et les atouts à développer.

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Vous avez ,  été tous deux récemment élus présidents ! Quelles priorités avez vous dessiné pour votre mandature ? 

Jean-Pierre Bel : Le Sénat doit être à l’écoute de l’ensemble des citoyens et s’adapter aux évolutions profondes de notre société. C’est pourquoi j’ai souhaité la création d’une délégation à l’outre-mer et d’une commission du développement durable. Il me paraît en outre essentiel de respecter la diversité des courants d’opinion et les droits de l’opposition. Nous avons ainsi renforcé le pluralisme et étendu l’application de la répartition à la proportionnelle pour le partage des responsabilités. Pour répondre au malaise des élus locaux, j’ai pris l’initiative d’organiser des états généraux de la démocratie territoriale, qui leur permettent d’exprimer leurs attentes, avant de tracer des perspectives d’avenir. Enfin, j’ai voulu que le Sénat ait un train de vie plus modeste, ce qui nous a conduits à baisser son budget et à adopter plusieurs mesures d’économies en tous domaines, en particulier en faisant contribuer les sénateurs à ces efforts.

 Jean-Paul Delevoye J’ai mené avec le Bureau du CESE un séminaire de réflexion sur la nécessité pour notre Institution de concilier sa légitimité institutionnelle et son utilité citoyenne. Cela nécessite, d’une part, d’être davantage à l’écoute de la société, au coeur des débats qui la traversent. Et, d’autre part, de mieux faire connaître une production dont on reconnaît la qualité, mais dont on questionne la véritable pénétration. Au-delà de la modernisation de nos outils de communication, nous voulons surtout tenir cette ligne de conduite où les avis doivent être utiles à ceux qui les reçoivent plus qu’agréables à ceux qui les écrivent. J’ai enfin souhaité que nous inscrivions nos travaux dans la perspective du temps long pour aider le décideur à mesurer les mutations en cours dans notre société et prévenir ainsi les fractures possibles en son sein.

Quel regard portez-vous respectivement sur vos assemblées et quelles collaborations entre vos deux institutions pensez-vous pouvoir dégager ?

 J.-P. B . Les sociétés contemporaines sont soumises à des changements très rapides, qui ne facilitent pas la réflexion de long terme. Le Sénat peut trouver auprès du CESE de quoi nourrir cette réflexion. Les relations entre nos deux institutions doivent donc être développées, qu’il s’agisse de l’audition des rapporteurs du CESE par les commissions permanentes et les délégations du Sénat, ou de la participation de rapporteurs du Sénat à des débats au sein du Conseil. Le Sénat pourrait également consulter à l’avenir le CESE, comme le lui permet la Constitution. 

J.-P. D . Notre assemblée est un « Conseil ». Nous devons donc jouer pleinement ce rôle d’interpellation, de préparation de la décision, d’examen de sa « soutenabilité » auprès du législateur. Le Sénat est parfois pris dans les jeux de pouvoir, sous la pression des émotions médiatiques et populaires, et soumis à la dictature de l’urgence. Le CESE peut aider à s’extraire de ces contingences pour nourrir les réflexions des sénateurs. J’attends beaucoup des échanges entre nos sections, délégations et commissions respectives couvrant les mêmes champs de compétence et m’attellerai à les développer. 

Vous avez tous deux affiché votre volonté de plus de transparence et de modestie pour votre assemblée. Pourquoi est-ce si important pour vous ? 

J.-P. B . Dans les démocraties modernes, la transparence est une exigence dont le respect conditionne en partie la légitimité du pouvoir. Une assemblée comme le Sénat doit être autonome, mais elle ne doit craindre aucun regard extérieur. Le respect dû aux citoyens nous impose également de suivre une gestion rigoureuse dans une période de grandes contraintes financières. 

J.-P. D . Je souscris totalement aux propos du président Bel. L’exemplarité est désormais une condition sine qua non de l’exercice du pouvoir qui lui permettra de regagner un crédit parfois défaillant. Le regard extérieur oblige à plus de vertus et son jugement peut devenir le meilleur des alliés sans lequel même les institutions les plus respectables et les plus anciennes peuvent être balayées par une lame de fond émotionnelle. ■

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