Allocution de François de Rugy, Ministre de la Transition écologique et solidaire

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Suite à la présentation de l'avis du CESE sur l'Article 1er du projet de loi relatif à l'énergie
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Le Premier Ministre a saisi le CESE au sujet de l'article 1er du projet de loi relatif à l'énergieFrançois de RUGY, Ministre d'État, ministre de la Transition écologique et solidaire, était présent afin de prendre connaissance de l'avis du CESE, adopté hier, le 20 février. Voici sa réponse : 

 

Corps

"Mesdames, Messieurs,

Je viens plancher devant vous avec grand plaisir, ayant été moi-même membre d'une des trois assemblées, et l'ayant présidée pendant un peu plus d'un an, je sais l'importance que vous accordez aux relations entre votre chambre et le gouvernement. Je suis très heureux de pouvoir mener cet exercice pratique et concret avec vous. Je tiens à vous remercier d'avoir réagi avec une très grande rapidité alors que la saisine avait été faite avec quelques retards, ce dont je vous prie de bien vouloir nous excuser. C'est une responsabilité qui nous incombe. Nous tiendrons compte, Monsieur le Président, je répercuterai auprès du Premier ministre, les remarques générales de fonctionnement que vous avez formulées tout à l'heure, auxquelles nous ne pouvons que souscrire.

Je tiens à saluer la qualité du travail et les différentes préconisations qui sont assez précises et qui ne cherchent pas à masquer, en tout cas pas totalement, les débats qui existent dans la société française et que l'on retrouve bien sûr dans une assemblée comme la vôtre, comme on peut la retrouver dans d'autres. Dans les autres assemblées, il s'agit souvent de trancher de façon nette par des votes en faisant des choix. Tout comme nous, au sein du gouvernement, nous devons faire des choix. Votre rôle est un peu différent puisqu’il s’agit de faire remonter un avis.

Je reviens sur l'origine et la motivation de ce projet de loi que j'ai parfois moi-même qualifié de « petite loi énergie » car ce n'est pas une révision globale, totale de la loi de transition énergétique de 2015, bien au contraire. Le Président de la République, lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle, les députés de la majorité, lorsqu’ils étaient candidats aux élections législatives, se sont engagés à mettre en œuvre cette loi. Ils ont fait partie des candidats qui, contrairement à d'autres qui appelaient à son abrogation, ont dit qu'ils s'inscrivaient dans le cadre fixé par cette loi de 2015.

Néanmoins, pour pouvoir mettre en œuvre la programmation pluriannuelle de l'énergie qui a été préparée pendant 18 mois (au lieu d'un an), nous sommes obligés de modifier quelques points la loi de 2015. J’y reviendrai dans la mesure où des éléments importants sont modifiés par rapport à ce qui avait été voté en 2015. Notre objectif est d'être aussi précis, détaillés et sincères que possible. Je constate que cette volonté de sincérité que l'on retrouve dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, et donc, dans ce projet de loi, peut parfois nous être reprochée. J'en viens à me dire, parfois, qu’il vaudrait mieux maintenir des illusions, des chiffres et des symboles, même lorsque tout le monde sait qu'ils sont inatteignables.

C'est une réflexion politique plus générale, mais qui a son importance parce qu’à force de maintenir des illusions ou de les nourrir, on crée aussi des désillusions, des déceptions et des crispations qui peuvent être assez ravageuses.

Concernant la question de la neutralité carbone – je veux bien sûr m’y attarder quelques instants – vous recommandez dans votre projet d’avis de préciser cet objectif en termes de réduction brute, si je puis dire, des émissions de gaz à effet de serre et notamment des émissions de CO2. Il ne m'a pas échappé que, ces derniers jours, il y a eu une vague d'articles de presse. Comme je ne suis pas paranoïaque je n'y vois aucune campagne orchestrée, mais simplement le goût au moins d'un titre pour lancer une polémique, et de ce point de vue l'objectif a été atteint puisque la polémique a été reprise par d'autres médias et qu’elle nourrit évidemment le débat politique. Mais il est tout de même assez dommageable – et je vous remercie de ne pas avoir embrayé sur cette polémique – que sans regarder les chiffres, sans regarder la réalité on puisse lancer des polémiques sur la base sinon d'une incompréhension qui est tout de même difficilement compréhensible de la part de gens qui suivent depuis longtemps les débats et les engagements internationaux sur le climat, car je rappelle que la neutralité carbone c'est exactement ce qui est inscrit dans l'accord de Paris. On nous reproche parfois de ne pas respecter l’accord de Paris, ce qui est un comble, ou de ne pas être dans sa trajectoire fixé par cet accord de Paris qui a lui-même trois ans tout juste, mais en l'occurrence, la neutralité carbone c'est bien l'application directe de l'accord de Paris.

Je veux donc redire de façon extrêmement claire et ferme – je le dirai autant de fois qu’il le faudra, même si cela ne conduit pas l’organe de presse qui a lancé cela à reconnaitre ouvertement son erreur, mais à le reconnaître indirectement par une autre rubrique depuis – que c'est un objectif qui est inédit et qui est tout à fait limpide : cela signifie zéro émission nette d'ici à 2050. Il s'agit bien d'avoir zéro émission de dioxyde de carbone d'ici à 2050. Et en bon Français, cela veut dire ne pas émettre plus de CO2 que ce que peuvent absorber nos sols et nos forêts à cette échéance.

Certains ont glosé et nous ont accusés en quelque sorte d'avoir comme un plan secret au service de l'industrie, peut-être même du grand capital, que sais-je, qui consisterait à entretenir la chimère de la captation et du stockage de carbone. Si l’on peut le faire, évidemment on ne s'y opposera pas, mais nous considérons que dans l'état actuel des techniques et des coûts, ce n'est pas une solution à grande échelle, absolument pas. Il n'y a donc pas de plan caché et c'est donc beaucoup plus ambitieux que le facteur 4 dont on parlait jusqu'à présent, qui était dans la loi de 2015. Je ne fais pas de reproches à la loi 2015 – ayant participé à sa rédaction et l’ayant votée en tant que député à l'époque – le facteur 4 était à l'époque l'objectif partagé et la neutralité carbone est apparue dans l'accord de Paris en décembre 2015 ; la loi a été débattue avant et adoptée à l'été 2015. C'est donc bien un objectif extrêmement ambitieux qui est posé avec cette neutralité carbone. Nous ne reculerons pas sur l'affichage clair, net et précis de cette perspective qui est la neutralité carbone à 2050. Naturellement, si sincèrement certains émettent des doutes ou des craintes, on pourra préciser la rédaction du texte pendant le débat parlementaire ; j'espère que cela achèvera de tuer cette polémique totalement inutile.

Concernant votre recommandation de ne pas tout repousser à plus tard, je crois que c'est également le fil rouge de notre stratégie nationale bas carbone (SNBC) ou de notre programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), à savoir d'agir ici et maintenant, et de le faire à l'échelle française, bien sûr de se battre pour que ce soit également à l’échelle européenne et à l'échelle internationale, mais sans attendre pour le faire ici et maintenant alors que, je le rappelle – manifestement c'est difficile à admettre pour beaucoup de gens - mais la France est un des pays les moins émetteurs de gaz à effet de serre rapportés à sa population et à son activité économique ; je crois que dans les pays les plus développés, seule la Suède fait mieux que la France. Il faut le rappeler, mais pour nous ce n'est pas un prétexte pour ne rien faire, et je vous le dis comme je le dis à tous les interlocuteurs qu'ils soient ouvriers dans une centrale à charbon ou militants dans une association écologiste qui trouvent que nous n'en faisons pas assez, la France a un niveau faible d’émissions de CO2 mais nous voulons quand même agir fortement.

Vous recommandez de conserver la compétitivité industrielle. Là aussi, je tiens à le dire, il faut être clair, c'est évidemment un sujet auquel nous sommes très attentifs – pas simplement le ministre de l'économie, le ministre de l’énergie que je suis également – et cela a des effets concrets qu'il faut assumer. J'imagine que lorsque vous le mettez dans les recommandations, vous nous demandez aussi de l'assumer. Je rappelle qu'un certain nombre de secteurs économiques sont exonérés de la taxe carbone par exemple. C'est le cas – on n'est pas dans l'industrie – des carburants pour l'agriculture, des carburants pour la pêche. Voilà deux secteurs où la contribution climat énergie ou la taxe intérieure sur les produits énergétiques est de zéro. Ce n'est pas une réduction, c'est zéro.

Nous avons, bien sûr, la question des secteurs dits électro-intensifs, mais on pourrait dire dans certains cas carbo-intensifs, qui utilisent du charbon, du fioul ou du gaz. En l'occurrence, il y a des mécanismes d'exonération de la taxe carbone, et c'est une politique concertée à l'échelle européenne pour éviter les délocalisations de certaines industries comme la sidérurgie car nous considérons que si elle était délocalisée dans des pays comme les pays asiatiques nous aurions un impact carbone plus élevé. Et ce n'est pas une vue de l'esprit car je rappelle que depuis 1990 nos émissions ont baissé, mais si on intègre les importations elles ont légèrement augmenté. Cette question de délocaliser nos émissions de CO2 est donc bien réelle.

Concernant la baisse de consommation des émissions de gaz à effet de serre, vous avez souligné le fait que dans le projet déposé il y a un petit mouvement – que, nous, nous considérons comme un mouvement de sincérité – de dire que d'ici 2030 la baisse de consommation serait plutôt de 17 % que de 20 %. J'entends parfaitement ce que vous dites, d'autres ont également soulevé le sujet et je suis tout prêt à évoluer, le Gouvernement est tout prêt à le faire dans le débat parlementaire. J'attire simplement l’attention sur le fait que, souvent, nous aimons avoir des objectifs ambitieux dans des textes de loi – pas simplement dans des discours politiques – et pas simplement dans les exposés des motifs mais dans les articles mêmes des lois, et qu’ensuite on se dit : « De toute façon, pour l'application on verra plus tard, et ce seront d'autres gouvernements qui le feront. On parle de 2030, donc qu'est-ce que cela coûte, c'est de l'affichage ». D'abord, je n'aime pas beaucoup les politiques qui se résument à de l'affichage. Et puis, cela veut évidemment dire que l’on s’expose à une critique qui peut devenir légitime – certains veulent même aller régler cela jusque devant les tribunaux – à savoir : « Vous n'appliquez pas les objectifs que vous avez vous-mêmes affichés dans les lois ». La question de la sincérité est donc posée et on devra l'avoir en tête ; en tout cas, je la défendrai  dans nos débats autour du climat et de l'énergie.

Et puis, disons les choses, sur la question de la baisse de la consommation d'énergie qui touche le secteur du logement et du bâtiment existant – que ce soit le logement ou les bâtiments tertiaires publics ou privés – on voit bien qu'il est difficile d'atteindre les objectifs qui semblent pourtant faire consensus. Je ne sais pas si vous en avez parlé dans cette enceinte, sans doute, tout le monde est d'accord pour considérer qu'il faudrait rénover 500 000 logements par an alors que l’on est autour de 350 000. C'est déjà pas mal, mais il y a – et dans votre rapport vous le montrez au travers de graphiques – des écarts entre l'objectif et le réel. Il faut se poser la question concrètement des moyens que l'on met en œuvre, savoir si ce n’est qu'une question de moyens financiers ou s’il y a d'autres barrières au fait que nos concitoyens enclenchent des travaux d'efficacité énergétique, de rénovation énergétique dans les logements. On voit bien que, parfois, ce n'est pas une question de moyens mais c’est aussi une question soit de complexité de la démarche ou d'attractivité de la démarche.

Concernant la réduction des gaz à effet de serre, on a décidé de cibler les mesures et les moyens sur les plus gros émetteurs. Sur les transports – je tiens à le dire parce que c'est un sujet potentiellement très polémique, et ça l'a été encore plus depuis quelques mois ; pour ceux qui comme moi ont un peu d'expérience, on ne découvre pas aujourd'hui le fait que tout ce qui touche à la voiture est sensible, et d'ailleurs, au passage, ceux qui nous disent : « Ya qu’à, faut qu’on » n'ont pas à mettre en œuvre et à assumer devant les Français, ni à se faire sanctionner par eux le cas échéant, même en dehors des élections, sur cette question sensible – si l’on regarde les émissions de CO2, le principal émetteur ce sont les transports routiers. On parle souvent de l'aérien, je suis tout prêt à en parler, mais c'est une toute petite part des émissions de CO2. La question des transports routiers, ce sont les voitures particulières, les cars, les camions. Voilà les sujets que nous avons sur la table, et là, on est au cœur de la question de la taxe carbone ou de la taxation sur les carburants. En l'occurrence, on voit bien que ce n'est pas simple. Nous avons fait de gros efforts, sous deux gouvernements successifs – il faut le dire – puisque la taxe carbone était à zéro en 2013 et qu’elle est à 45,5 € la tonne en 2018 et aussi en 2019 puisque nous avons stoppé la trajectoire. Cela fait de la France le troisième pays européen qui a le niveau de taxe carbone le plus élevé. Il faut le rappeler. Ceux qui disent : « Vous n'avez rien fait depuis l'accord de Paris » en l'occurrence cela avait déjà commencé avant et on a accéléré puisqu'en 2017 la majorité parlementaire a voté une trajectoire plus élevée que celle votée en 2015. Un mouvement de pause a été décidé à la fin de l'année dernière, dans votre projet d’avis – mais je crois que cela fait l'objet d'un débat –, vous appelez à une reprise de la trajectoire. Eh bien oui, je ne peux que souscrire – en tout cas sur la base du projet d’avis tel que rédigeais à l'heure où je parle – au fait que ce soit en débat. Cette reprise de trajectoire doit être en débat, oui, non. Et ce n'est pas qu'un débat de principe, c'est un débat concret de modalité. Quelle trajectoire ? On n'est pas obligé de faire 10 € la tonne par an de plus – sachant que c’est 3 centimes d'euros sur le litre de carburant – on peut faire 1 centime, 2 centimes. Il y a la question du rythme. Il y a la question de l'affectation des recettes ; c'est un sujet fortement posé par les Français et c'est normal, à quoi sert cet argent collecté en plus. Et il y a aussi la question de la capacité à avoir un mécanisme de rappel en quelque sorte s'il y a une hausse des prix du pétrole ; cela, c'est aussi fondé. Après, je ne suis pas porteur d'une annonce, vous le savez, cela fait partie des sujets qui sont en débat, mais je tenais à répondre au projet d’avis tel que rédigé pour l'instant avant amendement, avant débat sur ce point.

Et sur les voitures, nous avons mis en place un dispositif d'accompagnement à la mise à la casse – ce n'est pas simplement favoriser l'achat de voitures neuves – des plus vieilles voitures les plus polluantes. Nous le faisons également sur les vieilles chaudières au fioul ou au gaz non performantes, et nous le faisons sur les centrales à charbon. À chaque fois, ce sont des sujets qui ne sont pas simples ; et d'ailleurs, entre la version que l'on m’a transmise et celle que vous avez modifiée par amendement, sur les centrales à charbon quelque chose a été modifié pour intégrer l'idée que des reconversions et pas simplement des fermetures pures et simples pourraient être étudiées. C'est la politique que je conduis et elle est immédiatement contestée par certains comme étant reculade. Certains nous accusent d'aller trop vite, d'autres de reculer, mais en l'occurrence nous comptons bien aller vers un objectif plus ambitieux, -40 % au lieu de -30 % sur la consommation d'énergie fossile d'ici à 2030. Au passage – je tiens à le dire si on a encore le droit de donner des chiffres dans le débat public – en 2018 la consommation de carburant en France a baissé.

Certains nous disent que c’est parce que les trois derniers mois de l'année les routes étaient perturbées. Non ! Cela avait commencé avant. Les choses sont claires. Je ne dis pas que c’est grâce à la politique menée, la taxe carbone, etc. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’était jamais arrivé quand il y a une période de croissance économique, qu’il y ait dans le même temps une période de baisse des consommations de carburant. Après trois années consécutives de hausse de la consommation de carburant, nous avons enregistré en 2018 une baisse. Nous considérons qu’il faut continuer dans cette voie, qui est à la fois écologique et sociale et bonne pour l'économie du pays en réduisant nos importations.

Tel est ce que je voulais dire sur les objectifs d’une baisse de consommation d’énergie. C’est évident, vous l’avez dit, ce sont les deux piliers de cette programmation énergétique, c’est la baisse de consommation d’un côté et le développement des énergies renouvelables de l’autre.

Sur le logement, nous y reviendrons avec le ministre du logement et les professionnels du logement qui jusqu'à présent s'opposent à des mesures contraignantes sur les normes sur le logement existant à l’occasion des transactions ou de la signature d'un bail de location pour les performances énergétiques des logements.

Concernant les préconisations que vous soulevez, à savoir qu’il faut qu'il y ait un suivi intermédiaire des objectifs intermédiaires, je tiens à rappeler que la stratégie nationale bas carbone et la programmation pluriannuelle d’énergie sont révisées tous les cinq ans, même si on programme sur dix ans ; il y a une clause de revoyure au bout de cinq ans. Par ailleurs, des rendus sont faits à la Commission européenne tous les deux ans.

Concernant le mix électrique et la question du nucléaire et des énergies renouvelables, mon prédécesseur, Nicolas Hulot, a assumé là aussi une opération vérité peu de temps d'ailleurs après sa nomination en annonçant explicitement qu’il ne serait pas possible de baisser la part du nucléaire en 2025 compte tenu de ce qui avait été fait, ou du moins qui n’avait pas été fait entre 2012 et 2017 puisque c’était en 2012 que cet objectif avait été annoncé devant les Français lors des élections et que cela a été des mis en oeuvre en 2015 – trois ans entre le moment où cela a été annoncé et la programmation pluriannuelle d’énergie qui était très imprécise par rapport à celle que nous mettons maintenant en œuvre.

Il n’est pas possible, à partir des données fournies par RTE, d’assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité en France en fermant à la fois les centrales à charbon, en ne construisant pas de centrales à gaz, à part celle qui est prévue à Landivisiau, et en fermant davantage de réacteurs nucléaires, sans compter les incertitudes qui demeurent malheureusement et qui sont indépendantes de notre volonté sur les projets éoliens offshore et sur les grandes capacités qui peuvent sortir non pas de terre mais de mer. Je peux vous donner des exemples, y compris dans ma région, comme quoi il n’y a pas de favoritisme, sur le fait que les procédures, les recours - nombreux et variés –, notre droit, ce n'est pas une assemblée comme la vôtre mais un autre Conseil où l’on prend des décisions qui conduisent à ce que les choses soient extrêmement retardées.

Nous ne voulons pas augmenter la production d’électricité par les moyens thermiques pour prendre le relais, ce qui aurait été faisable. Nous pouvions davantage utiliser les centrales thermiques, les centrales gaz, voire en développer de nouvelles pour fermer plus vite des réacteurs nucléaires mais cela aurait augmenté les émissions de CO2.

Concernant la programmation sur le nucléaire, nous avons annoncé la fermeture de deux réacteurs de Fessenheim en 2020, je l’ai dit à Fessenheim en m’y rendant il y a quelques semaines, puis en mars pour le 2ème réacteur et la fermeture totale de la centrale de Fessenheim. Nous visons ensuite six réacteurs d’ici 2030 et 14 réacteurs d’ici 2035.

Nous avons une stratégie qui est une programmation d’anticipation.

Je le dis car c’est un sujet dont je sais qu’il est extrêmement potentiellement polémique, passionnel, et souvent la controverse autour de l'énergie finit par se concentrer uniquement autour de ce point. Elle occulte souvent tout le reste de ce qui est fait ou doit être fait. Vous le savez, certains promettent – il y en a sans doute dans cette assemblée – le fait que l’on pousse au maximum envisageable la durée de vie des réacteurs nucléaires ou que l’on attende que ce soit l'Autorité de sûreté nucléaire qui décrète que tel réacteur ne peut pas poursuivre son exploitation, y compris parce que c’est cher d'investir dans de nouvelles capacités renouvelables.

Nous nous avons fait l'arbitrage d'avoir des fermetures anticipées, programmées et je l’ai défendu. Nous sommes allés loin puisque pour que les territoires et les sites concernés puissent préparer, nous avons demandé à l'opérateur EDF de faire une liste sur un certain nombre de sites. Nous-mêmes nous avons cité un certain nombre de sites qui nous paraissent être ceux parmi lesquels il faudra choisir les réacteurs.

Cela signifie un effort très important sur les énergies renouvelables que nous assumons autour des énergies renouvelables, les plus fiables technologiquement et économiquement. Ce sont ces deux critères que nous retenons systématiquement.

C’est valable aussi pour le nucléaire car vous posez la question de l'avenir de la filière nucléaire, vous dites que ce n’est pas tranché par cette programmation pluriannuelle de l'énergie. On peut discuter à l’infini de ce point, mais en l'occurrence nous avons quelle est la programmation sur le vieux nucléaire, le nucléaire installé ». Cela donne une trajectoire pour la filière électro nucléaire française.

Concernant ce que l’on appelle le « nouveau nucléaire », le réacteur EPR, nous avons dit les choses de la façon la plus transparente possible. La filière électro nucléaire française doit dire au gouvernement d'ici la fin de l’année 2021 si les problèmes technologiques de fiabilité en termes de sécurité sont résolus – ils ne le sont pas à l’heure où je vous parle, sur le réacteur de Flamanville ce n'est pas le cas - et sur le coût. Là aussi, si l’on prend comme référence le projet en Grande Bretagne, porté par la filière nucléaire française, il est à 100 euros environ le Mgw, soit beaucoup plus que le prix du marché aujourd’hui et plus que le prix du renouvelable solaire photovoltaïque ou l’éolien terrestre.

On dit que cela devrait ensuite faire l'objet de décisions qui seront mises dans le débat électoral national de 2022. Le calendrier est fait pour que les choses ne se fassent pas en catimini ou en fin de mandat.

Dernier point, la préconisation n°10, concernant le prix, je vous remercie de le soulever comme vous le faite car c’est quelque chose qui est totalement absent du débat politique et médiatique. Vous dites clairement car vous n'avez pas besoin de vous présenter devant les électeurs, qu'il faudra veiller à chaque étape à ce que les capacités en place ne conduisent pas à freiner les actions en matière de maîtrise de l’énergie ni à faire chuter les prix sur le marché au risque de mettre l’ensemble des filières de production en difficulté.

Vous avez raison de le dire, croyez bien que je suis bien le seul à soutenir cette idée qui me paraît une donnée économique de bon sens, mais si l’on tire tout vers le bas, si le seul objectif est de tirer les prix vers le bas, je peux comprendre en termes de pouvoir d'achat, c’est légitime mais si c'est cela l'objectif, tout le reste sera tiré vers le bas, toutes les filières y compris la filière nucléaire. Il n’y a aucun avenir dans un système de prix extrêmement bas. On tirera également vers le bas les investissements des énergies renouvelables, on ne le fera pas. Vous avez raison de le mettre en regard des investissements des économies d'énergie. C’est valable aussi sur le carbone. Si l’on ne veut pas donner un prix du carbone et pas renchérir son prix, il ne faut pas se raconter d’histoire, on ne pourra pas investir dans les filières décarbonées.

De nombreux acteurs économiques viennent sans cesse me voir pour me dire : « Pourquoi voulez-vous que nous investissons si nous n’avons pas de visibilité ? » Pour avoir la visibilité il faut savoir à quoi s’attendre. Si l’on est en situation de changer tous les ans de pied sur le prix du carbone, cela ne fonctionnera pas. Il faut être clair et net. Il faut l’assumer.

 Il y a un débat actuellement sur le prix de l’électricité, il me revient à moi le mauvais rôle d’aller annoncer la mauvaise nouvelle sur les prix. En plus, ce n’est pas moi qui fixe le prix ! C’est une belle production législative ! On a confié à la Commission de la régulation de l’énergie le mode de calcul, la fixation du prix et au ministre de l’énergie de signer le fait que cela soit tel prix. C’est pour couvrir les coûts de production. C’est cela le mode de calcul. Si l’on veut toujours faire baisser le prix, cela veut dire que l’on fera avec ce qui est le moins cher et donc le plus ancien.

Ce sera poussé toutes les installations existantes, baisser tous les investissements, y compris sur le réseau. On n’en parle jamais, si l’on veut garantir aux Français la sécurité de l’approvisionnement, il faut investir sur le réseau. Il faut trouver le juste prix entre ce qui est supportable économiquement et socialement et ce qui permet au secteur de trouver un équilibre qui soit cohérent avec la transformation que nous voulons mener, qui solde le passé car les engagements passés doivent être financés.

Je vous remercie beaucoup pour ce travail que vous avez fait avec une grande rapidité dans un esprit constructif et précis".