Portrait de conseillère : Isabelle DORESSE

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Qui sont les conseillères et conseillers du CESE ? Chaque semaine, retrouvez le portrait d'une ou un membre du CESE : parcours, engagement dans la société civile organisée et ambitions pour leur mandat au sein de la troisième assemblée de la République ... Focus sur celles et ceux qui forment la société agissante.

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Nommée au CESE par le Collectif Alerte, Isabelle Doresse est aujourd’hui vice-présidente d’ATD Quart Monde. Retour sur 27 années d’engagement autour d’un objectif majeur : « aller vers une société dans laquelle les institutions n’humilient personne », en partant pour cela du vécu des personnes les plus précaires.

Construire la société avec les plus pauvres 

L’engagement d’Isabelle Doresse au sein d’ATD Quart Monde ne tient pas au hasard, sa sensibilité pour les questions sociales ayant toujours été présente :

« Quand j’étais gamine, j’étais déjà dans beaucoup d’associations : j’étais scout, engagée dans la paroisse, à l’école… Je débordais déjà un peu d’engagements sociaux. Mais je ne supportais pas l’idée de charité, de faire pour les autres. Très jeune, ça m’insupportait ! »

C’est parce qu’ATD Quart Monde porte une philosophie du « faire avec », à l’inverse du « faire pour », qu’elle décide de s’y engager aux côtés de son mari, il y a bientôt trente ans. Au cœur de son engagement : la volonté de construire une « autre société », mais à une condition : la construire avec les personnes en situation de précarité. C’est la philosophie du mouvement : « Nous avons la chance de rencontrer des gens très différents, et de construire ensemble, d’apprendre les uns des autres ».

Au sein du mouvement ATD Quart Monde, cela se traduit par l’organisation d’« universités populaires », qui consistent à faire plancher des personnes en situation de pauvreté sur un large spectre de thèmes, allant du revenu minimum à l’école, en passant par l’art ou encore la beauté. Dans son département du Nord, elle s’occupe d’abord des actions à destination des enfants, en particulier l’animation des garderies mises en place pour permettre aux parents de participer aux Universités Quart-Monde. Animatrice d’universités populaires, elle deviendra par la suite responsable régionale du Nord-Pas-de-Calais et représentera le mouvement à l’Onpes (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale), aujourd’hui devenu le Comité scientifique du CNLE. Elle y porte en particulier les questions de revenu, sur lesquelles elle a déjà travaillé dans le cadre des universités populaires.

Les enjeux écologiques, indissociables du combat contre la pauvreté 

Ingénieure agronome de formation, Isabelle Doresse a été responsable de différents services de protection de la nature et de statistiques agricoles mais également enseignante en lycée agricole, dont elle garde un bon souvenir : « Ce sont des petites structures, avec une tradition de pluridisciplinarité et une liberté de projet ». Son attachement à l’environnement est directement en lien avec son engagement social, alors que ce sont les plus pauvres qui subissent de plein fouet les catastrophes écologiques, « tout en étant ceux qui coûtent le moins à la planète parce qu’ils vivent avec très peu ».

« Les enjeux écosystémiques ne peuvent pas être dissociés du combat contre la pauvreté. Quand on prend le rapport Bruntland de 1992, l’objet du développement durable, c’est l’éradication de la pauvreté. Cela a été oublié depuis : on a juste retenu le croisement de l’économie, du social et de l’environnemental. »

Ces deux combats – contre les inégalités sociales et pour la protection de l’environnement – doivent, pour elle, être rassemblés. C’est dans cette optique qu’elle co-rapporte actuellement, aux côtés d’Agnès Popelin-Desplanches, la saisine en cours au CESE sur le sujet de la santé environnement. A l’origine de ce projet d’avis, un constat : « les inégalités environnementales aggravent les inégalités sociales : le fait de prendre en compte la santé environnement contribue à lutter contre ces inégalités ».

Au CESE, faire participer les personnes en situation de grande pauvreté 

Isabelle Doresse présente son mandat de conseillère comme un « défi important ». Au sein du CESE, elle succède à d’autres militants du mouvement ATD Quart Monde, notamment son fondateur Joseph Wresinski, auteur du rapport sur la « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » (1987), à l’origine de la création du RMI (Revenu Minimum d’Insertion) l’année suivante. C’est aussi le cas de Geneviève de Gaulle - Anthonioz, « seule conseillère à avoir directement présenté un rapport du CESE directement à la tribune de l’Assemblée nationale » et dont le travail a directement contribué à la loi d’orientation de lutte contre les exclusions, votée en 1988. Plus récemment, sa précédesseure, Marie-Aleth Grard a rapporté l’avis « Une école de la réussite pour tous », qui essaime encore aujourd’hui et a permis une « importante sensibilisation du monde de l’éducation ».

« Pour ATD Quart-Monde, le CESE est très important : les militants, qui sont des personnes qui ont l’expérience de la pauvreté, sont très attachés à l’institution, à laquelle nous devons beaucoup. Représenter le mouvement au CESE est très impressionnant. »

Pour Isabelle Doresse, il ne s’agira pas seulement de porter la voix des plus précaires au cours de son mandat de conseillère, mais bien de les accompagner afin qu’ils puissent se faire entendre directement. Cet enjeu est d’autant plus majeur à l’heure de la réforme du CESE, qui fait du recueil de l’expression citoyenne une de ses missions clefs.

« L’objectif, c’est que des gens en situation de grande pauvreté puissent participer d’une manière ou d’une autre aux travaux du CESE. Cette contribution-là est essentielle pour construire une société qui respecte tout le monde. C’est en construisant avec eux que l’on trouvera les solutions qui seront bonnes pour toutes et tous. »

 


Crédits photo : Katrin Baumann