Portrait de conseillère : Samira DJOUADI

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Qui sont les conseillères et conseillers du CESE ? Chaque semaine, retrouvez le portrait d'une ou un membre du CESE : parcours, engagement dans la société civile organisée et ambitions pour leur mandat au sein de la troisième assemblée de la République... Focus sur celles et ceux qui forment la société agissante.

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Le parcours de Samira Djouadi est marqué par une volonté forte : celle de se faire entendre. Après une enfance passée dans une famille de huit enfants où « il fallait lutter pour exister », elle créé la Fondation TF1, dont elle est aujourd’hui Déléguée générale, grâce à la force de ses convictions et à sa ténacité.

Le sport, révélateur de la « niaque » de Samira Djouadi 

Repérée par ses professeurs pour ses capacités sportives, Samira Djouadi quitte le « cocon familial » dès la fin du collège pour rejoindre un internat et suivre un parcours de sport-études athlétisme : « Rapidement, ce qui m’a sauvée, c’est le sport. C’est grâce à mes professeurs que j’ai commencé l’athlétisme : ils m’ont poussée, et ils ont eu raison ! »

En manque de sa famille, Samira Djouadi revient sur ses terres d’Aubervilliers à partir de la terminale. Elle y reste, et devient professeure d’EPS. C’est là qu’elle est confrontée aux problématiques des jeunes issus de quartiers populaires :

« Au bout de douze ans, je me rends compte que j’ai fait le tour de l’enseignement. Mais que je n’ai absolument pas fait le tour de ces jeunes que je côtoyais, et qui me disaient constamment « mais Madame, nous, de toute façon, on ne pourra jamais réussir, parce qu’on est nés dans un quartier ». A chaque fois qu’on avait ces échanges-là, ça me touchait au plus profond de moi-même : comment est-il possible qu’on se sacrifie parce qu’on n’a pas eu d’exemples ? »

La lutte contre ce fatalisme qu’elle observe dans le parcours des jeunes devient son cheval de bataille, jusqu’à la création de la Fondation TF1, « ce qui était improbable, voire même impossible ! ». Sa grande fierté : avoir eu la patience d’attendre les résultats de ses actions sans jamais abandonner et, « à [son] humble niveau, avoir réussi à faire bouger les lignes ».

« Dire aux jeunes issus des quartiers que tout est possible quand on le veut »

Pour montrer aux jeunes qu’ils peuvent « être l’exemple des prochaines générations », elle fonde l’association Sport’a Vie. Elle y réunit des jeunes autour d’un objectif : assister à un grand événement sportif, après une préparation d’un an.

« Le premier projet, en 2002, était d’aller à la Coupe du Monde en Corée du Sud. On partait d’une feuille blanche : on savait où on devait aller, mais comment ? Alors nous avons construit des ateliers : autour de la culture et des lieux à visiter, autour du reportage écrit, vidéo et photo pour garder des traces de ce qu’on allait vivre, on a appris la langue… Quand je leur ai dit qu’on allait apprendre le coréen, ils m’ont regardée avec des grands yeux ! Mais ils savent pourquoi ils le font : et la magie opère. Quand tu as appris le coréen, tout est beaucoup plus simple après ! En fait, pour eux, tout devenait accessible. »

Mais une question se pose : comment financer ce projet ? C’est ici qu’intervient TF1. Pendant six mois, Samira Djouadi appelle le secrétariat du Président de l’époque, Patrick Le Lay, chaque jour, à la même heure. Et sa persévérance gagne : un rendez-vous est finalement organisé. « Alors que l’on m’avait accordée 10 minutes, nous sommes restés 1h30 à échanger. Résultat : TF1 devient partenaire de mon association ». Quelques années plus tard, le même Patrick Le Lay lui demande de rejoindre le groupe, et d’en devenir la Directrice de la communication. Marché conclu, mais à une condition : lui permettre de créer en parallèle un projet de fondation, dont elle prendra les rênes sitôt la création.

Au sein de la Fondation, elle casse les codes : plutôt que de reverser l’argent à des associations, elle l’emploie à accueillir en alternance des jeunes issus des quartiers, leur permettant ainsi d’intégrer des écoles, de se former à la communication en entreprise et de construire un CV. En ce début d’année scolaire 2021-2022, elle vient tout juste d’intégrer la 14ème promotion.

Et l’engagement de Samira Djouadi ne s’arrête pas à la Fondation. Avec Tous en Stage, elle permet à des jeunes de troisième d’éviter « le stage kebab, de proximité, où tu vas faire le ménage pendant une semaine » en proposant des stages collectifs interentreprises. Aujourd’hui, l’association compte 150 entreprises partenaires, et a permis à 4 000 jeunes de suivre ces stages jusqu’à la crise de la Covid. Avec les confinements, l’association réussit le tournant du distanciel : l’organisation de stages en visioconférence est un succès, qui permet aujourd’hui d’accueillir encore plus de jeunes. Avec Stop Illettrisme, Samira Djouadi s’attaque à un autre domaine en développant un concept issu de L’Oréal : proposer des formations diplômantes de langue française aux agents des prestataires de ménage, sur leur temps de travail. En parallèle, l’association Sport’a Vie étend son activité et met en place des colonies apprenantes, qui incluent des enfants en situation de handicap, sujet qu’elle a porté au CESE au cours de son premier mandat et qui lui a permis de se sensibiliser à ces thématiques.

Assurer la continuité des travaux du CESE sur le terrain 

Au cours de son premier mandat qu’elle a « adoré », Samira Djouadi co-rapporte l’avis « Enfants et jeunes en situation de handicap : pour un accompagnement global ».

« C’est un travail qui m’a appris énormément ! Je n’étais pas du tout légitime sur ce sujet-là, et pourtant je me suis battue, parce que j’ai trouvé la cause extraordinaire. J’ai d’ailleurs gardé contact avec pas mal d’associations que nous avions auditionnées. J’ai même organisé la journée du TDAH [trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité], pour l’une de ces associations. J’ai été très loin dans la démarche, et ça été très riche : cette continuité entre le CESE et l’extérieur, je pense que nous, conseillers, devons pouvoir l’assurer. Il ne faut pas que nos avis restent dans les tiroirs, parce qu’il y a tellement à faire ! »

Comme dans l’ensemble de ses engagements depuis plus de vingt ans, c’est la mise en place d’actions concrètes que souhaite porter Samira Djouadi durant son second mandat de conseillère. Pour elle, c’est le concret qui permettra de donner aux travaux du CESE un vrai sens dans la société. Pour reprendre ses propres mots, qui résument à eux seuls ce qu’elle porte dans tous ses engagements : « J’ai toujours aimé les actions concrètes, de terrain. Nous devons passer de la réflexion à l’action ».


Copyright Katrin Baumann