Avis du Conseil économique, social et environnemental

Sous-titre
Le CESE appelle l’Union européenne à accélérer la lutte contre la déforestation importée
Date
Publié le 27/05/2020
Description

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté aujourd’hui son avis « Le rôle de l’Union européenne dans la lutte contre la déforestation importée ».

La crise du Covid-19 a mis à jour des liens de causalité entre dégradation environnementale et émergence de nouvelles maladies. Pourtant, dans le même temps, la déforestation en Amazonie atteignait un nouveau record, avec la disparition de 1.202 kilomètres carrés de forêt de début janvier à fin avril 2020, soit une augmentation de 55% par rapport à la même période l’année dernière, selon des données de l'Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE).

Les gigantesques incendies de forêts de ces derniers mois ont rappelé à l’opinion mondiale, et aux gouvernantes et gouvernants, la fragilité des forêts et l’urgence de mieux les préserver. Deuxième puits de carbone au monde après les océans, les biomes forestiers assurent pourtant des fonctions majeures dans la régulation climatique, le maintien de la biodiversité et la qualité de l’eau et des sols. Ils constituent une ressource indispensable à la vie de nombreuses populations.

Plusieurs scientifiques alertent sur le fait que l’apparition de ces nouvelles maladies, n’ayant initialement pas vocation à infecter l’homme, comme le paludisme, Ebola ou encore le coronavirus responsable du Covid-19, sont liées à l’anéantissement des écosystèmes, en particulier dans les zones tropicales, où ils sont détruits au profit de monocultures intensives.

De nombreuses pétitions en ligne appellent ainsi à une prise de conscience accrue et à une amplification de l’action de l’UE et de ses États membres en matière de lutte contre la déforestation, en soulignant la responsabilité des politiques commerciales des États et des entreprises ainsi que des modes de consommation des citoyennes et citoyens européens dans la situation actuelle. Au regard de cette mobilisation citoyenne, de l’actualité du sujet, ainsi que de la place croissante de la nécessaire transition écologique dans les travaux du CESE, l’enjeu de cet avis du CESE est de dresser un état des lieux de la manière dont l’Union européenne et ses États membres peuvent renforcer la lutte contre la déforestation « importée », inhérente au commerce mondial. Analysant les origines et les conséquences du phénomène, l’avis recense les dispositifs existants, pointe leurs limites et formule diverses préconisations pour éviter, réduire et en dernier ressort compenser la déforestation importée, parmi lesquelles :

• Améliorer la cohérence des politiques européennes contribuant à la lutte contre la déforestation importée

Le CESE préconise d’adopter en 2020 un Plan d’action de l’UE contre la déforestation importée sous la responsabilité du Conseil européen, dont le suivi et la coordination seront confiés au vice-président de la Commission européenne en charge du Pacte vert pour l’Europe, sous la supervision et le contrôle du Parlement européen.

• Accélérer la réforme des filières économiques qui contribuent fortement à la déforestation

Dans le cadre de la révision en cours de la Politique agricole commune (PAC), le CESE recommande de mettre en place en 2022 un Plan protéine européen convergeant vers l’objectif de réduire les importations de soja afin de concrétiser la souveraineté agricole de l’UE, notamment en soutenant fortement les cultures de légumineuses, en versant aux agriculteurs et agricultrices des « paiements pour services environnementaux » pour les surfaces en prairies ou légumineuses fourragères et en conditionnant les aides aux investissements des filières animales à la non utilisation de soja importé ;

Le CESE préconise d’organiser la sortie progressive des agro-carburants conventionnels et leur suppression totale au plus tard en 2030 dans le cadre d’une révision de la directive européenne RED II en mettant fin au plus tard en 2022 aux mécanismes de défiscalisation existants sur ces carburants de première génération, en supprimant les subventions de la PAC destinées aux surfaces servant à les produire et en réaffectant ces moyens à la recherche sur les biocarburants avancés.

• Renforcer l’accompagnement des États-tiers producteurs et des acteurs locaux dans la lutte contre la déforestation

Pour le CESE, toute politique de lutte contre la déforestation importée doit prendre en compte les besoins de développement des pays producteurs, notamment du Sud. Pour ce faire, le CESE préconise de soutenir la mise en place dans les pays partenaires, notamment d’Afrique subsaharienne et d’Amérique latine, de politiques de gestion durable des forêts, d’agroforesterie et d’agro-écologie en accompagnant les productrices et producteurs locaux dans le développement de trajectoires durables; en permettant aux pays de transformer directement, sur place, les matières premières qu’ils produisent pour en tirer la valeur ajoutée.

Ce projet d’avis est rapporté par Jean-Luc Bennahmias et Jacques Pasquier (Groupe des personnalités qualifiées), pour la section des affaires européennes et internationales, présidée par Jean-Marie Cambacérès. Il a été présenté lors de l’assemblée plénière du Conseil économique, social et environnemental du 27 mai à 14h30.

L’avis a été adopté en plénière avec 121 voix pour, 13 contre et 7 abstentions.

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