L'OCDE et le CESE préoccupés par l'évolution de l'école

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Éclairages
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Regards croisés
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Le 13 septembre, le CESE votait un avis sur les inégalités à l’école. Le même jour, l’OCDE rendait public son rapport «Regards sur l’éducation 2011», dont la tonalité est plutôt préoccupante pour la France. Deux vues convergentes sur la question scolaire.

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À partir de vos travaux respectifs, quelle appréciation portez-vous sur l’évolution de l’école française au cours des trente dernières années, en particulier au regard de sa contribution à la lutte contre les inégalités et à l’élévation du niveau global de connaissances et de compétences ?

Éric Charbonnier, expert à l'OCDE : Sur la longue durée, il ne faut pas être trop critique vis-à-vis du système éducatif français. La démocratisation a été conduite avec un certain succès jusque dans l’enseignement supérieur. Les dysfonctionnements les plus graves sont assez récents : la stagnation puis la dégradation sont perceptibles depuis une quinzaine d’années. Le système peut encore se reformer mais il ne faut pas trop tarder.

Xavier Nau, rapporteur de l'avis sur les inégalités à l'école : Il est exact que les choses piétinent depuis quinze ans. Il existe deux ordres d’explication à cette stagnation : des causes internes à l’école, principalement l’inadaptation de ses enseignements et de sa pédagogie à la massification, et aussi des causes externes telles que la transformation des pratiques culturelles, les clivages sociaux grandissants dans l’urbanisme, le chômage de longue durée… autant de défis auxquels l’école n’était pas préparée.

Éric Charbonnier : À ce propos, je m’interroge sur les zones d’éducation prioritaires. L’idée était bonne mais on ne leur a finalement pas donné les moyens d’atteindre leur objectif compensatoire.

Xavier Nau : Oui, tout à fait. Si l’on regarde les choses de près, notamment la masse salariale, les ZEP auraient, par le jeu des affectations, plutôt moins de moyens !

Quelles sont, selon vous, les principales réponses à apporter aux difficultés actuelles de l’école française ?

Xavier Nau : Il faut mettre le paquet sur l’école élémentaire et l’école maternelle. Ces dernières années, les principales initiatives ont porté sur le lycée. Les problèmes liés au collège ont été fortement relayés dans l’opinion. Pourtant, tout démontre que les difficultés naissent dès les premiers temps pour ensuite perdurer jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire et, bien sûr, très souvent au-delà, avec des répercussions particulièrement négatives sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. L’idée est donc de repérer et de traiter les difficultés des élèves très tôt plutôt que d’attendre qu’elles soient enkystées pour y remédier. Une autre proposition originale que nous avons faite dans l’avis est de faire varier les moyens des établissements scolaires en fonction du public qu’ils scolarisent. Puisque le déterminant essentiel de l’échec ou de la réussite est bien social, il y aurait lieu d’en tenir compte par une gradation dans l’allocation des moyens. Cela irait aussi à l’encontre de la tentation de l’entre soi et de la ghettoïsation des établissements.

Éric Charbonnier : L’avis du CESE insiste aussi avec raison sur la formation des enseignants en réponse aux besoins pédagogiques des élèves. J’ajouterais que cette question de la formation et en particulier de la formation continue ne devrait pas être dissociée de celle de l’affectation car, selon le contexte, on n’enseigne pas de la même façon. Le mal-être des enseignants affectés dans des écoles et des collèges réputés difficiles vient en grande partie du fait qu’ils ne sont pas pédagogiquement assez préparés pour agir dans ce type d’environnement. Cela se répercute évidemment sur la gouvernance de l’école : les stratégies d’évitement des enseignants et l’incapacité à constituer des équipes pédagogiques suffisamment cohérentes et pérennes là où elles sont le plus nécessaires découlent en grande partie de ce défaut de préparation et de formation. Finalement, beaucoup de solutions sont déjà sur la table, mais, jusqu’à présent, il semble que personne n’ait eu le courage de les mettre en oeuvre dans la durée.

Xavier Nau : Effectivement, nous constatons très souvent que les réformes sont mises en oeuvre sans que les moyens initialement envisagés ne suivent. À la limite, il serait préférable de mettre en place les mesures les plus ambitieuses de façon progressive, en commençant par une partie du territoire plutôt que de vouloir tout faire d’un coup sans en avoir la capacité. À moyen terme, ce serait certainement plus efficace et beaucoup moins décevant pour les acteurs de l’éducation.

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