Discours du Président Bernasconi - Bilan de la première année de mandature du CESE 2015-2020

Catégorie
Vie de l'assemblée
Date de publication
Sous-titre
Plénière exceptionnelle du 28 février 2017
Corps
Mardi 28 février 2017
 
Mesdames les Présidentes, 
Messieurs les Présidents
Mesdames les conseillères
Messieurs les Conseillers
Chers Amis
 
Voilà aujourd’hui 15 mois très précisément, cette assemblée se votait un nouvel avenir et m’accordait sa confiance pour la conduire. Je ne vais pas ici nous adresser de satisfecit, nous ne sommes pas là en effet pour nous féliciter même si nous aurions quelques raisons objectives de le faire : le Cese est mieux inscrit qu’il ne l’était dans le paysage institutionnel, il a réaffirmé son rôle de conseil au gouvernement et au parlement - de nombreuses saisines en apportent la preuve - certaines de nos recommandations ont  été transposées dans la loi, la baisse des crédits alloués au Conseil a été enrayée, nous nous sommes fixés des orientations stratégiques qui structurèrent nos travaux et nous mettent face à notre responsabilité d’acteur essentiel de la cohésion sociale. Notre cahier des charges nous pousse enfin à faire évoluer le débat public,  en faisant entendre la société civile organisée….mais également l’ensemble de nos concitoyens en demande évidente d’expression.
 
En résumé, notre assemblée est donc à nouveau solide sur ses bases et elle peut envisager son avenir sereinement. Dans l’action et pas seulement dans l’intention. D’où cette séance à la fois normale et particulière dont je vais proposer au Bureau qu’elle soit désormais annuelle
 
Notre objectif aujourd’hui est d’aller au-delà du constat encourageant que j’évoquais à l’instant. Il y a en effet ce dont nous pouvons être fiers mais je voudrais insister devant vous sur ce que nous devons défendre, sur ce que nous devons sans doute améliorer et sur ce que nous devons inventer. Les débats qui vont se dérouler dans notre pays dans les semaines à venir sont d’ailleurs un moment privilégié, je le pense, pour cela.
 
Ce que nous devons défendre va au-delà de  notre institution, c’est le principe et l’existence des corps intermédiaires. Qui ont toute leur place et dont la mise à l’écart ou la simple mise en question n’annoncerait rien de bon. Gardons à l’esprit que seul le régime de Vichy prit un jour la décision de révoquer le conseil économique. Ce qui vaut presque démonstration. Vouloir se passer des corps intermédiaires, c’est vouloir penser seul, décider seul, agir seul. Par défiance à l’égard des autres. En oubliant que les corps intermédiaires ne sont pas des corporations, des lobbies ou des empêcheurs de gouverner en rond. Ce sont bien au contraire de précieux conseillers, des experts qualifiés, des regards complémentaires et indépendants sur la société, les meilleurs connaisseurs d’un monde ou d’un secteur qui mettent leur expérience au service du responsable politique, optimisent ou favorisent l’acceptabilité de la décision ou de la loi par le citoyen. Les corps intermédiaires ne sont pas vecteurs de conservatisme, mais bien au contraire des facteurs d’équilibre pour la République. Représentation nationale et corps intermédiaires sont comme les deux jambes qui permettent la marche. Et qu’on arrête de vouloir en permanence les contourner en imaginant des référendums, des consultations directes, la constitution de panels de citoyens  sur tout et n’importe quoi. Qu’on arrête également de vouloir les court-circuiter en créant toutes sortes d’organismes parallèles et comités divers nés de la seule volonté d’un cabinet ministériel  ou d’une administration soucieuse de se fabriquer ses propres références et de ne surtout laisser personne d’extérieur se mêler de ses affaires… Ces comités et autorités diverses sont fort coûteux et participent par ailleurs de la dilution d’une parole publique qui n’a, par les temps qui courent, aucunement besoin de cela. Les corps intermédiaires sont précisément l’antidote à ce genre de syndrome du repli sur soi. Qui produit généralement davantage d’immobilisme bureaucratique que de dynamique collective.
 
Il y a ensuite dans mon esprit ce que nous devons améliorer et développer. 
 
A commencer par la transversalité. Nous nous y sommes déjà essayés l’an dernier et cela a bien fonctionné. Poursuivons dans cette voie. Cette manière de travailler est aujourd’hui celle des entreprises et organisations modernes, celle de la nouvelle économie en particulier, et elle prouve chaque jour son efficience. Sur des sujets complexes et multiformes comme ceux que nous traitons, c’est la garantie d’un traitement rapide, participatif et coordonné de tous les éléments et dimensions d’une question, c’est la garantie d’une vision ouverte à 360°que peu d’assemblées sont à même de proposer avec une légitimité comme la nôtre. C’est enfin la garantie d’avis à forte valeur ajoutée portant un label fiable et désormais reconnu : celui du Cese.  
 
Améliorer nos méthodes et surtout anticiper le changement afin de ne point le subir.
 
Je veux partager avec vous quelques observations qu’il m’est arrivé de me faire ces derniers mois en observant l’organisation de nos travaux. 
 
Nous sommes une assemblée représentative et légitime. Nous ne sommes ni un club de pensée, ni un institut d’études, ni un comité de défense. Et pas davantage comme nos détracteurs ont souvent voulu le faire croire une zone de transit pour personnalités en carence de poste, ou un dépôt pour celles ou ceux dont la République se sentirait l’obligée. Nous sommes au contraire une chambre à l’écoute des français, de leurs préoccupations comme de leurs aspirations au changement, une assemblée active que seule motive la recherche et la défense de l’intérêt général.
 
Nous sommes également et ne l’oublions jamais, une assemblée constitutionnelle dont les missions sont claires, dont l’utilité et la légitimité ne font pas débat mais dont l’image et la représentativité peut encore selon moi être optimisée. Cela passe bien sûr pour nous par une exigence : celle d’une transparence totale quant à notre fonctionnement et une éthique commune sur nos modes de désignation. Cela rend ensuite nécessaire une réflexion sur les voies d’amélioration de notre représentativité. Je pense ainsi que l’évolution de notre société a nécessairement suscité des mouvements de fond lesquels, objectivement mériteraient de s’incarner  sur nos bancs. Pour ne donner que cet exemple, pourquoi les associations de consommateurs et d’usagers sont-ils encore absents du Cese ? Je vais même aller plus loin : il m’arrive par exemple d’imaginer que pourraient siéger de droit au Cese les numéros un des corps intermédiaires, syndicats ou toute autre organisation représentée au Conseil. La perception de notre représentativité pourrait me semble-t-il s’en trouver renforcée. Et je ne vois guère d’arguments qui s’y opposent. Comparaison n’est pas raison, mais imagine-t-on l’Assemblée Nationale ou le Sénat sans que les présidents ou secrétaires généraux des partis politiques qui concourent à la démocratie y siègent ? 
 
Comprenez-moi bien : mon intention est de faire progresser le Cese. C’est pourquoi, je vous propose d’engager cette réflexion parce qu’elle vous appartient et qu’il est toujours plus pertinent de réfléchir soi-même à ses perspectives d’évolutions que d’attendre que d’autres le fassent pour nous. C’est une preuve de maturité et nous la possédons.  Qu’il s’agisse de polémiques passées, de contestations politiciennes ou de procès injustes, notre légitimité ne doit plus faire l’objet de quelconques mises en cause. Et pour en entendre toujours, je pressens qu’elles peuvent encore nous nuire. Nous nous devons donc d’améliorer encore notre représentativité, de parfaire l’image que nous renvoyons aux français et réfléchir ensemble dans cet esprit à ce que pourraient être les évolutions envisageables de nos critères de représentation. Afin de les rendre indiscutables, afin de rendre notre assemblée exemplaire. Afin de rendre le Cese plus fort. Chacun devant toujours garder à l’esprit que la force du collectif est largement supérieure à l’addition de celles qui la composent.
 
Là encore, toutes vos réflexions seront bien sûr les bienvenues. 
 
Il nous faut enfin penser à réformer notre fonctionnement. Je vous le dis comme je le pense : celui de  nos plénières est d’une autre époque et il nous faut le faire évoluer.  Chacun doit pouvoir s’exprimer dans un cadre moins figé. Affranchissons-nous de ces contraintes ou allégeons-les. Tous, nous y trouverons notre compte et nous améliorerons par la même occasion les conditions de notre travail, l’attractivité du conseil et par voie de conséquence notre action collective. Et là encore, le regard porté sur notre assemblée. 
 
Je soumets bien sur ce constat à votre discernement et à votre sagesse. Une évolution des pratiques doit faire l’objet d’abord d’un constat de l’existant, d’une réflexion sur les pistes à explorer et de propositions réfléchies qui seront alors ensuite soumises au bureau. Qui décidera alors le cas échéant des procédures à initier. 
 
Ce que nous devons défendre, ce que nous devons améliorer, je vous en ai dit l’essentiel. Il me reste à vous décrire ce qu’il nous faut inventer. Pour inscrire encore davantage notre assemblée dans le paysage politique de ce pays que nous aimons.  Pour en faire un outil de rénovation démocratique, une chambre incontournable :
- où s’initie et s’organise le dialogue social, économique, environnemental.
- où se définit l’acceptabilité d’une réforme.
- où s’évalue l’efficience d’une politique, défi majeur à mes yeux, que nous devons relever cette année et qui a vocation à devenir l’une de nos tâches principales.
- où toutes les « France » se parlent et où se dessine la France de demain.
 
Une assemblée de la société civile interlocutrice et porte-parole des françaises et des français. 
Pour satisfaire ces différentes ambitions, qui en fait n’en forment qu’une pour le Cese, plusieurs directions me semblent devoir être suivies. Je souhaite que nous organisions dans l’enceinte du conseil à chaque rentrée   une conférence de la société civile organisée à laquelle participeraient les numéros un des organisations, les représentants des associations, les acteurs de l’économie au sens le plus large et les représentants des pouvoirs publics. Cette grande conférence économique, sociale et environnementale placé sous le double signe de la mise en commun des connaissances et du dialogue constructif, permettrait à tous d’échanger, et de définir ensemble les sujets majeurs qui préoccupent notre société et surtout qui doivent faire l’objet d’une action des Pouvoirs Publics. Ainsi le gouvernement pourrait établir sur la base des conclusions de cette conférence, une feuille de route, que ce soit pour certaines de ses actions ou pour ses travaux avec les Assemblées. 
 
J’ajoute qu’une telle  conférence serait en parfaite cohérence avec ce qui nous motive : la promotion du dialogue et la recherche des compromis.Il nous faudra également inventer de nouveaux partenariats. Avec les autres institutions qui comptent dans la République. Mais surtout, le plus important peut être, faire en sorte que les françaises et les français nous identifient comme proches d’eux.
 
Etre à l’écoute de la société est en effet l’une de nos ardentes obligations. Réinventons, revisitons cette obligation. Donnons-lui d’autres formes. Donnons-nous d’autres devoirs. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire: un nouvel équilibre est à penser et à créer entre la démocratie représentative et des citoyens de plus en plus en demande d’expérimentations nouvelles. Des citoyens de plus en plus connectés et parfois créateurs de nouvelles formes d’expression et d’action politique.
 
A nous de faire exister cette nouvelle forme   de démocratie, à nous d’être le lieu d’expression d’une nouvelle temporalité, inventons des moments d’échange plus fréquents que les seuls rendez-vous électoraux.
 
La pétition citoyenne doit devenir un axe majeur de notre évolution. Devenons l’assemblée qui relaie la parole des citoyens et qui traduit son expression en préconisations. Je pense qu’il nous faut même créer la plateforme d’expression des citoyens dont nous serions les traducteurs - en avis - pour impulser les politiques publiques.
 
Les aspirations de nos concitoyens à plus de participation ne vont pas cesser de grandir. Suite à la mission commencée il y a déjà quelques mois, nous devrions pouvoir répondre rapidement à cette appétence…pour être pourquoi pas demain ceux qui porteront sur les fonds baptismaux un nouveau droit : ce droit à la participation citoyenne qui comme le disait le Président de la République récemment doit pouvoir venir en appui, et  enrichir la procédure législative.
 
Voilà ce que j’avais vraiment envie aujourd’hui de partager avec vous. Une vision d’avenir, l’expression est sans doute un peu immodeste mais je la pense indispensable pour notre Conseil. Mais elle tente de prendre la mesure des enjeux qui se précisent pour demain et qu’il est de notre rôle d’anticiper. Ne serait-ce que par respect pour les générations à venir. Et au nom d’une règle simple qui veut qu’on ne soit jamais jugé sur un bilan mais sur une capacité à se projeter dans l’avenir. 
 
Et cet avenir, nous allons le construire ensemble.
 
Je vous remercie

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