Discours des vœux du président du CESE Patrick Bernasconi

Catégorie
Vie de l'assemblée
Date de publication
Sous-titre
Le 8 janvier 2019
Chapeau
Madame la Garde des sceaux, Ministre de la Justice, Chère Nicole Belloubet,
Monsieur le Ministre des relations avec le Parlement ET le CESE, notre ministre, Cher Marc Fesneau, car depuis 3 ans il y a un ministre en charge des relations avec le CESE, 
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel, Cher Laurent Fabius, c’est un honneur de vous accueillir, 
Monsieur le Vice-Président du Conseil d’Etat, Cher Bruno Lasserre, merci d’être là,
Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, 
Monsieur le président du Groupe la République en marche, Monsieur Gilles Legendre, nous devons travailler avec les groupes des Assemblées,
Cher Hugues Renson qui représentez le Bureau de l’Assemblée nationale, 
Mesdames et messieurs les parlementaires, en direction desquels nous devons mieux faire comprendre comment nous pouvons les accompagner dans leur difficile rôle de faire la loi, 
Monsieur le premier-Président de la Cour de Cassation, Cher Bertrand Louvel, je suis heureux de votre présence car depuis quelques mois nous commençons à entretenir des liens plus important avec le monde de la justice qui par bien des égards peut être concerné par nos travaux, 
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs et représentants des 80 pays où travaillent des Conseils économiques et sociaux,
Mesdames et Messieurs les représentants du Conseil d’Etat, avec lesquels nous devons plus et mieux travailler,
Mesdames et Messieurs les Présidents de CESER, nos partenaires naturels,
Mais aussi, 
Chers mécènes qui accompagnez le CESE non seulement dans la réhabilitation du patrimoine dont il est dépositaire au nom de l’état, mais aussi parfois, du fait de la modicité de ses moyens, dans certaines de ses actions, 
Mesdames et messieurs les responsables des 81 organisations représentées au CESE, votre assemblée, et qui doit l’être plus encore,
Et avant tout, 
Mesdames et Messieurs les conseillers et personnalités associées du CESE, qui faites le CESE du quotidien,
Merci de votre présence. 
Corps
J’ai tenu à tous vous saluer d’une façon inhabituelle en ces lieux car il me semble important que tous nous nous rendions compte de l’étendue de l’écosystème du Conseil, et du nombre de ceux qui interagissent avec lui ; car oui nous sommes un Conseil de la société civile organisée, un conseil ouvert sur les français et aux français, un conseil dont le rôle fondamental est l’éclairage des Pouvoirs Publics, un conseil dont des institutions similaires par leurs membres et leur travail existent dans toutes les régions de France métropolitaine et d’Outre-mer, mais aussi dans plus de 80 pays au monde. 
 
Un conseil dont les 233 conseillers ont pour la plupart le caractère singulier d'être conseillers, responsables d’organisations de la société civile et engagés dans la vie professionnelle, sur le terrain, des Français comme les autres, des Françaises aussi puisque notre conseil est rappelons-le, paritaire à 48%.
Ce sont de réalités à rappeler, à marteler, dont nous devons être fiers.
 
Mesdames, Messieurs, 
 
Je désire vous présenter mes vœux, mes vœux  pour chacun d’entre vous, pour vos familles, pour vos proches.
 
Ces vœux 2019 se déroulent dans un contexte bien singulier pour notre pays, pour nos institutions.
 
Avant toute chose je désire appeler nos concitoyens qui font partie de ceux qui ne se sentent pas compris, à ceux qui ne comprennent plus les Pouvoirs Publics, à un sursaut démocratique.
 
Ce sursaut démocratique est celui de l’abandon de la violence, de la dissociation entre ceux qui désirent manifester incompréhensions, mécontentement et ceux qui, cachés au milieu d’eux exercent la violence, poursuivant d’autres buts que de revendications d’écoute, de justice sociale.
 
Ce sursaut démocratique doit être aussi celui d’une prise de conscience ; celle de la très grande force de la démocratie, qui a permis à notre pays tant de conquêtes sociales, sociétales, celle qui a permis tant de fois à notre pays de donner des éclairages au monde, mais aussi de l’extrême faiblesse de la démocratie qui n’existe que par le respect mutuel de notre pacte social.
 
Ne l’oublions pas, la démocratie est fragile, elle nécessite notre protection à tous et, cette protection passe par le respect mutuel.
 
Le mouvement des « des gilets jaunes » est un mouvement totalement inédit, quels que soient les chiffres on ne peut nier de sa réalité, comme on ne peut nier de sa persistance, comme on ne peut nier son ancrage dans ce que l’on a coutume d’appeler des territoires oubliés de la République, ou d’une France silencieuse. 
 
Ce mouvement traduit des revendications réelles, des incompréhensions certaines, des malaises venus de loin. 
 
Nous devons considérer tout cela.
Le message a été fort, clair, il a été entendu, mais désormais il faut que tous ensemble nous trouvions les moyens d’y répondre et cette réponse nécessite la sérénité, le débat, le partage. 
 
Cette situation a aussi un mérite, celui de remettre en débat l’importance des corps intermédiaires, de ces milliers d’organisations non gouvernementales que nous représentons et qui représentent au quotidien l’engagement bénévole de millions de français, ce sont des acteurs essentiels de la démocratie. 
Puisse ce débat trouver lui aussi sa place afin que ces corps intermédiaires soient plus, mieux entendus, respectés et que la parole de leurs institutions, dont le CESE, ne soit pas moquée, minorée, que cette parole trouve toute sa place institutionnelle.  
Le temps est venu de travailler ensemble, afin d’édifier ensemble.
 
Le Conseil a depuis le mois de novembre indiqué qu’il jouerait son rôle constitutionnel et apporterait aux Pouvoirs Publics ses constats et préconisations, fruits de la réflexion des conseillers qui représentent ici les 81 plus grandes organisations, associations, syndicats, réseaux d’entreprises de tous types, de notre pays, accompagnés de personnalités véritablement qualifiées.
 
Depuis lors le Président de la République a indiqué son vœu de voir se dérouler dans tout notre pays un grand débat, sous la houlette de la CNDP, ce que proposait le Conseil.
 
Ce débat doit se dérouler avec la participation de toutes et tous, en tout premier lieu la nôtre.
 
Mais ce grand débat, extraordinaire, ne doit pas nous faire oublier la réflexion que nous devons mener sur notre institution, car elle fait partie des réponses démocratiques ; d’ailleurs quand on regarde les résultats de la plateforme de participation citoyenne lancée par le CESE « avec ou sans gilets jaunes exprimez-vous », l’on voit bien que les réflexions institutionnelles, la réorganisation de notre démocratie vont être au cœur du débat à venir.
 
Pour ces vœux pour notre année 2019 je désire effectuer un bref retour en arrière afin de partager avec vous le sens qui a guidé notre travail collectif depuis décembre 2015, cela me paraît nécessaire, voire indispensable, car faisant partie de ce débat démocratique.
 
Car en effet, garder le sens est toujours indispensable.
 
En décembre 2015 nous avons été élus sur un programme de réforme du Conseil.
 
Cette réforme était indispensable si nous voulions, et je pèse mes mots, mais nous le savons tous, sauver le Conseil. 
 
Sauver le Conseil non afin de faire perdurer une institution sous le prétexte qu’une institution ne peut disparaître, mais car fondamentalement nous croyons à l’utilité profonde de l’assemblée de la société civile organisée.
 
Cette réforme nécessaire était avant tout interne, car nous devions compter sur nos seules forces,  elle nécessitait donc un engagement fort de la part de toute la collectivité du conseil.
 
De cet engagement sont nés de très nombreux chantiers, de très nombreuses idées d’innovations.
 
Nous pouvions nous dire, « nous avons le temps, lançons ces réformes, ces innovations, ouvrons ces chantiers les uns après les autres, car, institution, nous avons le temps pour nous… ».
 
Non.
 
J’ai choisi de proposer au Bureau de lancer tous ces chantiers en même temps, car si les institutions peuvent éventuellement avoir le temps, le service que nous devons à notre pays à nos concitoyens, lui ne souffre pas d’attendre.
 
Puis l’élection présidentielle est intervenue, souvenons-nous en, c’était-il y’a 20 mois…seulement.
 
Cette élection présidentielle a revêtu une très grande signification.
 
Sans doute n’en n’avons-nous pas tiré toutes les conclusions sur la volonté profonde exprimée par les français, ou plutôt sur les questions fondamentales que se posaient nos compatriotes, que nous nous posions. J’y reviendrai.
 
Mais de cette élection présidentielle, de la volonté du Président de la République, est née une réforme constitutionnelle, une réforme constitutionnelle dont l’un des axes majeurs était le CESE, l’affermissement de son rôle, son adaptation aux évolutions démocratiques.
 
En effet quand on regarde de près cette réforme constitutionnelle, si elle comprend de nombreuses propositions jugées importantes pour la modernisation de nos institutions en général, son aspect le plus novateur concernait notre assemblée. 
 
Beaucoup des observateurs ne l’ont pas vu,  ou encore même, certains responsables politiques  ont pris peur de voir la société civile organisée prendre une place trop importante… comme si l’affermissement des complémentarités démocratiques pouvait en quoi que ce soit être une menace.
 
 Je pense que ces responsables politiques  voient aujourd’hui combien ces propositions étaient raisonnables au regard des bouleversements institutionnels demandés aujourd’hui par certains…
 
Cette réforme constitutionnelle correspondait en de nombreux points aux projets de réforme interne voulue par le Bureau et donc le CESE a choisi de s’inscrire dans cette dynamique.
 
Ce soutien à cette réforme constitutionnelle a nécessité beaucoup de travail de notre part à tous, peut-être des inquiétudes dans nos rangs. 
 
Ce soutien était raisonné, car si l’on y regardait bien, il parachevait l’œuvre de ceux qui avaient inscrits le Conseil Economique et social dans la Constitution en 1947, puis en 1958, Constitution si solide dont nous avons fêté le 60e anniversaire l’an passé, et même de ceux qui ont inscrit sa réforme dans les textes en 2008 ; ce sous deux aspects : 
- la consultation systématique sur tout projet de loi, 
- le recours à la participation citoyenne, notamment.
 
Par ces deux biais, non seulement le CESE était en mesure de jouer complètement et efficacement son rôle d’éclairage des pouvoirs publics mais il s’inscrivait durablement dans son rôle de définition de l’acceptabilité sociale ou sociétale de la réforme en générale.
 
Cette réforme constitutionnelle a été remise à plus tard.
 
Aussi ai-je proposé que sans attendre que la réforme constitutionnelle soit votée, nous mettions en place des groupes de travail visant à proposer des expérimentations.
 
Ces groupes de travail sont en place, et les premières expérimentations interviennent d’ores et déjà.
 
Les faits, l’actualité, qui traversent notre pays, montrent combien nous avions raison.
 
En effet grâce à notre réflexion à tous, grâce car à notre travail à tous, nous avons été prêts dès le début novembre à déceler la formidable montée en puissance des revendications liées à l’augmentation des carburants, à la question de la transition écologique ; à en alerter les pouvoirs publics, à nous en saisir par le biais d’une commission temporaire qui aujourd’hui travaille et rassemble d’ores et déjà les premiers éléments de réflexions.
 
Ces premiers éléments de réflexions lui permettront demain, c’est  à dire dès la mi-mars, de produire un avis et des préconisations à l’attention du Gouvernement et du Parlement, ce qui est notre rôle constitutionnel.
 
 Grace à tout ce que nous avons fait ensemble depuis décembre 2015, nous avons été prêts !
 
Nous avons été prêts à réagir et par exemple nous avons mis en œuvre deux innovations majeures : 
 
- une plateforme citoyenne qui a rassemblé 31 044 citoyens, ce qui est, pour la période de Noël, un très grand succès, cette plateforme citoyenne va nous permettre non seulement de nourrir la commission temporaire sur le fond  mais aussi de nourrir la réflexion institutionnelle menée par les Pouvoirs publics, sur les évolutions institutionnelles éventuelles.
L’innovation ne réside bien entendu pas dans la plateforme elle-même, mais dans ce que nous allons en faire : un élément d’apport à la commission temporaire ou les propositions émanant de simples citoyens mais aussi d’expressions organisées seront confrontées à la réflexion de la société civile organisée, mais aussi des citoyens que nous allons faire participer à nos travaux. 
 
Bien entendu ne soyons pas naïfs, de telles plateformes peuvent toujours être instrumentalisées par des groupes de pression divers et variés.
 
 Justement c’est la force de la société civile organisée de pouvoir être confrontée à l’action de ce que l’on appelle les lobbys : nous sommes un tamis, nous sommes des traducteurs au profit des Pouvoirs Publics.
 
- Seconde innovation, et surtout, pour la première fois dans une assemblée constitutionnelle, et car nous sommes les seuls à pouvoir le faire, nous allons faire participer des citoyens tirés au sort au cœur des travaux du conseil, au sein même d’une commission.
 
Nous expérimentons de réelles innovations démocratiques car nous sommes une assemblée résolument moderne, en avance sur son temps, contrairement à ce que croient beaucoup...
 
Depuis de longs mois et ce dès l’adoption de nos axes stratégiques, pour la première fois au Conseil, nous abordions la question des fractures dont je n’ai, au fil de mes interventions, cessé de rappeler l’importance sous peine de voir notre pays se fracturer effectivement et durablement.
 
Au début de mon intervention j’évoquais le fait que nous n’avions pas tous tiré complètement les conclusions de l’élection présidentielle et de ses significations profondes au regard des grandes interrogations qui traversaient notre pays et qui taraudaient nos concitoyens ; je le crois sincèrement.
 
Apres l’élection présidentielle puis législative on a beaucoup dit que l’on assistait à la mort des partis politiques tels qu’ils existaient auparavant.
 
Je ne sais pas si c’est le cas.
Ce que je sais c’est que la société civile organisée doit aussi savoir se remettre en cause, elle doit évoluer. 
 
En effet ce mouvement « des gilets jaunes » auquel nous assistons depuis la mi-novembre, nous devons l’appréhender tel qu’il est dans sa signification au regard des institutions mais aussi au regard des organisations que nous représentons ; tout comme nous ne devons pas oublier que la plus grande marche pour le climat organisée l’an passé a été le fruit de l’initiative d’un étudiant de 23 ans je crois, lancée sur un réseau social.
 
La démocratie évolue, elle grandie, elle mute, et c’est tant mieux, c’est à nous, institutions, organisations, société civile organisée partis politiques de nous adapter, pas le contraire. 
En revanche la démocratie doit rester fidèle à ses fondamentaux et ne pas se transformer en démocratie directe,  contraire à nos principes fondamentaux, car celle-ci peut parfois avoir pour conséquences la remise en cause de principes, d’acquis, produits d’évolutions nécessaires de nos sociétés mais pas  encore totalement partagés ou contestés pour des raisons conjoncturelles.
 
C’est là où le CESE, dans un rôle très complémentaire des assemblées législatives, peut et doit jouer un rôle indispensable, en participant à une nécessaire régulation.
 
Un « grand débat » a été lancé par le Président de la République.
 
Le CESE y a toute sa place ; il l’occupe, et l’occupera, en toute indépendance et sans perdre de vue ses responsabilités.
 
Demain la réforme constitutionnelle, dans son projet actuel ou dans une version modifiée, sera à nouveau proposée au Parlement; on parle aussi d’un referendum qui pourrait porter sur des questions institutionnelles, la création d’un referendum d‘initiative citoyenne, et autres innovations démocratiques…
 
Le CESE, doit participer à ce débat, et rappeler cette nécessaire régulation qu’il est à même d’effectuer. 
 
Les organisations qui y siègent, qui, est-il nécessaire de le rappeler, représentent par leurs adhérents une fois au moins la population active de notre pays, doivent elles aussi réfléchir à ce qu’elles attendent du CESE, leur assemblée, à la place que celui-ci doit occuper dans le concert institutionnel, et de ce fait s’y investir avec force, plus de force. Cela aussi correspond au projet que j’ai porté lors de mon élection.
 
Nous participons de la démocratie de notre pays. 
 
Ce rôle est une responsabilité, nous ne devons pas l’oublier.
 
Merci à toutes et tous et, encore une fois : belle, très belle, très bonne année à vous tous.

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