Discours de Patrick Bernasconi, Président du CESE

Catégorie
Vie de l'assemblée
Date de publication
Sous-titre
Séance plénière du 15 mars 2017
Corps
Mercredi 15 mars 2017
 
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames les Présidentes,
Messieurs les Présidents,
Mesdames les Conseillères,
Messieurs les Conseillers,
Chers Amis,
 
Il y a plus d’un an, ensemble, dans cet hémicycle, nous votions pour une ambition. Que traduisaient nos orientations stratégiques. Une année s’est passée, conforme à ces orientations. Une année marquée par l’implication forte des présidents de section et de délégation, des rapporteurs, des groupes, des conseillers pour rassembler et traduire ce que la société civile exprime dans sa diversité.
 
Au total plus de quinze avis ont été rendus dont sept l’ont été à la suite de saisines gouvernementales. Des avis construits sur le débat, l’échange et la confrontation avec pour objectif à chaque fois la construction d’un socle jugé acceptable par le plus grand dénominateur commun. De nombreuses préconisations en furent issues.
 
De notre travail à celui du législateur, de nos avis au débat politique, je crois pouvoir dire qu’il n’y a qu’un pas. Un pas dont j’aimerais qu’il se transforme en une prise en compte plus régulière encore de notre institution afin qu’elle puisse continuer d’alimenter les politiques publiques et en faciliter les mises en oeuvre.
 
Aujourd’hui c’est l’heure du bilan de cette première année d’exercice. Et à bien des égards et dans toutes les acceptions du terme, le temps de la reconnaissance.
 
A commencer par celle que nous éprouvons à votre endroit, Monsieur le Premier Ministre, qui pour la première fois venez devant notre assemblée, donner acte des suites données par le gouvernement aux avis et préconisations de notre assemblée. Ce qui pour nous est aussi une forme de reconnaissance. C’est ainsi que nous interprétons votre venue : un signe fort pour la société civile et les corps intermédiaires. Nous vous en remercions.
 
Cette restitution officielle vient clôturer une année de travail de la société civile, année marquée par un bel ensemble de préconisations dans les domaines économique, social et environnemental auxquelles vous donnez écho aujourd’hui. Je ne vais pas reprendre les quinze avis que nous avons produits. Mais simplement et rapidement revenir sur quelques-uns qui ont peut-être davantage marqué le débat politique soit parce qu’ils ont été largement repris, soit parce qu’ils ont permis d’établir un diagnostic et d’autres enfin, parce qu’ils se sont construits dans un contexte de tension particulier.
 
Les préconisations de nos avis sur l’égalité réelle en outre-mer, sur la loi montagne ont permis d’enrichir significativement les projets de loi qui ont suivi. Mais c’est incontestablement notre avis sur la culture du dialogue social qui illustre le plus concrètement l’utilité qu’il y a à consulter et construire avec les corps intermédiaires. Neuf préconisations présentées par notre assemblée ont en effet été reprises dans le projet de loi. Neuf préconisations issues d’un avis qui, je veux ici le rappeler, n’avait fait l’objet d’aucun amendement. Preuve s’il en est besoin de l’efficacité du travail préalable de notre conseil et de sa capacité à faire naître les consensus entre les différents acteurs de la société. Même dans un contexte social délicat, comme cela fut le cas.
 
« Les impacts des mécanismes d’évitement fiscal sur la cohésion sociale et le consentement à l’impôt » ainsi que « La construction d’une Europe dotée d’un socle des droits sociaux » sont deux autres avis qui se sont inscrits dans l’actualité récente. Sur le deuxième de ces avis, le travail du CESE à servi à construire la position française, position dont la Commission Européenne a pu prendre connaissance au début de cette année.
Je veux également citer le rapport annuel sur l’état de la France que nous avons remis au premier ministre et aux ministres concernés lors d’une séance de travail extrêmement constructive. Y avait notamment été évoquée l’urgence d’une politique publique d’envergure pour lutter contre le décrochage scolaire et la nécessité de reconstruire une communauté de destin en intensifiant l’effort de recherche et en orientant mieux les stratégies d’investissement.
 
Monsieur le Premier Ministre, nous avions en 2016 un défi à relever, celui d’inscrire davantage le CESE, troisième assemblée de la République dans le paysage politique. Nous le devions pour les françaises et les français que nous représentons ici, et nous le devions pour la démocratie. Je crois que nous y sommes parvenus. Notre assemblée a ainsi confirmé son rôle auprès de l’exécutif tout en réaffirmant son intégration et son rôle pivot dans l’élaboration comme dans le contrôle de la politique publique. Si nous avons pu retrouver cette place je veux croire immodestement que c’est du à la qualité de notre travail, mais c’est également parce que vous avez eu la volonté de consulter la société civile organisée sur des enjeux importants, vous avez eu la préoccupation permanente d’écouter et de prendre le pouls de la société française. Vous avez su comprendre et mesurer l’impact de la réflexion collective de plus de soixante organisations qui elles-mêmes représentent des millions de français.
 
Vous nous avez saisis à sept reprises et nous avons toujours veillé à vous répondre dans les délais impartis. Mais au-delà des saisines gouvernementales vous avez aussi su entendre la société civile lorsqu’elle exprimait des attentes ou préconisait des mesures qui vous ont semblé suffisamment importantes et fortes pour que vous envisagiez de les reprendre.
 
Je m’en réjouis. Car je le répète, le recours au Conseil économique, social et environnemental ne doit plus être une possibilité mais une démarche systématique dans les domaines de compétence qui sont les nôtres. Notre méthode est basée sur le dialogue et la recherche de consensus. Nous avons en nous le potentiel pour prévenir les tensions puisque nous mesurons avec précision et en permanence pour tel projet, telle proposition, telle ambition les conditions de son acceptabilité sociale. Plus que jamais, la parole du CESE est donc nécessaire. Je sais ne pas avoir, Monsieur le Premier Ministre, à vous en convaincre.
 
Notre assemblée se doit maintenant d’aller plus loin. Les idées ne manquent pas. Comme celle d’organiser chaque année par exemple, dans l’enceinte du conseil, une conférence de la société civile organisée. Ce pourrait être à mon sens un précieux moment d’échange sur les grands sujets qui concernent ou traversent notre société. Y participeraient les numéros un des organisations, les représentants des associations, les acteurs de l’économie au sens le plus large et les représentants des pouvoirs publics et du gouvernement. Chacun pourrait je le pense en tirer bénéfice. Et l’intérêt général y trouverait son compte.
 
Aller plus loin, c’est également répondre aux désirs d’expression des citoyens de notre pays. Nous ne pouvons pas ignorer la demande toujours plus grande des français d’être entendus, en dehors de toutes organisations, de toutes représentations particulières. Nous devons relayer leurs préoccupations, et le cas échéant, nous en saisir.
 
La pétition citoyenne est un dossier que nous avons mis à l’étude. Je suis à titre personnel convaincu du rôle que devra jouer le CESE en la matière. Aucune institution ne prend en charge les pétitions dans notre pays. Selon des modalités qui restent bien sûr à définir, nous devons être demain, je le crois, cette institution. C’est une ambition qu’il m’a été donné de faire partager au Président de la République ainsi qu’aux Présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale. Cette ambition qu’à le CESE de capter l’expression des citoyens de la société civile organisée, d’en vérifier la portée puis de s’en faire l’analyste l’interprète et pourquoi pas le porte-parole, je souhaitais aujourd’hui la partager avec vous, Monsieur le Premier Ministre.
 
Car le CESE est un élément clé de la démocratie. Cette démocratie que nous aurions tort de penser qu’elle est inébranlable. Dans le monde, elle vacille au contraire, menacée par les peurs et les individualismes. Sachons la défendre en sachant d’abord écouter ceux que nous avons pour devoir de représenter et de guider.
 
Ce monde précisément, le CESE n’y est pas indifférent. Vous avez pu mesurer notre implication en Europe à travers l’avis sur le socle des droits sociaux notamment. Je l’évoquais tout à l’heure. Mais au-delà des frontières européennes, nous existons, même modestement, en tant qu’institution. Nous multiplions ainsi les contacts avec des pays tel que la Birmanie, ou nombre de pays d’Afrique. Ils sont de manière générale très curieux du fonctionnement de nos institutions et fort intéressés par l’existence de cette troisième assemblée qui donne une place aux citoyens dans la construction législative. Des pays qui ont connu des dictatures comme le Chili, ou plus récemment la guerre comme l’Afghanistan se rapprochent ainsi du CESE français pour lui demander un appui dans la création d’institutions analogues, facteur de paix et de démocratie à leurs yeux.
 
C’est aussi une manière de faire partager nos valeurs, la culture et la langue française et je crois savoir qu’elles vous sont chères. Comme j’ai cru comprendre la volonté de votre gouvernement de promouvoir une politique nationale de la langue française au service de la cohésion sociale et du rayonnement culturel de notre pays. La société civile doit bien évidemment s’inscrire dans cette réflexion. Sachez, mais vous l’avez compris s’agissant d’une telle cause, que nous sommes bien sur disponibles.
 
Je vous remercie.

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