Comment adapter la France au changement climatique mondial ?

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Avis présenté en plénière le 14 mai 2014
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Présentation de l'avis par MM. Jean Jouzel et Antoine Bonduelle, rapporteurs, au nom de la Section de l'environnement

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Face aux changements climatiques liés aux activités humaines, l’adaptation s’impose. Il reste bien sûr vital et urgent de limiter le réchauffement global à moins de 2° C, mais même à ce niveau, des conséquences néfastes vont se faire sentir outre-mer puis en métropole. Notre pays doit donc se préparer. Selon les régions, il faudra faire face à de nouvelles maladies ou allergies, aux risques pour les forêts, aux incendies, à la menace des inondations, à la multiplication de canicules et précipitations extrêmes... 
L'avis voté en séance plénière le 14 mai 2015 cible les mesures d’adaptation relatives au vivant. Il prend en compte le Plan national d’action contre les changements climatiques en cours d’évaluation à mi-parcours. Pour aller au-delà de ce plan, il insiste sur l’échange et l’apprentissage indispensables à l’échelle de régions ou de grandes régions, lieux et niveaux naturels de planification des réponses aux menaces climatiques.

CRÉER UNE VISION PARTAGÉE DE L’ACTION CLIMATIQUE EN RÉGIONS

Pour impliquer concrètement tous les acteurs sur l’adaptation, une vulgarisation et un accès aux données et aux études est un préalable. Chaque acteur doit pouvoir contribuer à élaborer des réponses informées face à des changements certains mais aux contours et à l’ampleur encore imprécis. La mise en place de services concrets et ciblés par secteurs ou par région sera une condition clé de cette mobilisation. Cela passe par la généralisation d’observatoires dans les grandes régions, qui devront associer les réseaux de citoyens et de professionnels. Les équipes scientifiques devraient également être invitées à élaborer des indicateurs régionaux. Par ailleurs, les questions de risques futurs doivent faire l’objet d’une concertation, avec l’appui des experts. Un travail particulier est à mener avec le secteur de l’assurance.

ADAPTATION, OUVRIR LE DÉBAT DANS LA SOCIÉTÉ

  • Santé

L’adaptation devra être prise en compte dans le plan national santé-environnement ainsi que dans les stratégies nationales et régionales de santé et de recherche. Le secteur hospitalier et les réseaux médicaux devront être associés à l’élaboration des plans climat-énergie territoriaux. Agriculture. Il s’agit de concilier différents horizons d’adaptation et d’actions, du conseil à court terme aux évolutions à moyen et long termes. Il faudra aussi améliorer la résilience des systèmes de production pour chaque région.

  • Forêt

Le regroupement des propriétaires privés et l’établissement de documents de gestions durables doivent s’accompagner de la construction d’une vision partagée de l’adaptation entre propriétaires privés et gestionnaires publics de forêts.

  • Biodiversité

La priorité est d’assurer les continuités écologiques identifiées dans les documents de l’État et des collectivités territoriales. Une réflexion devra être initiée sur les politiques des espaces protégés en fonction des évolutions climatiques constatées ou à venir. Il sera nécessaire de développer les savoir-faire émergents sur l’intégration des aspects de biodiversité végétale et animale dans l’aménagement des villes, face aux risques accrus de canicules.

  • La mer, les océans, la pêche

La priorité doit être mise sur la préservation et la restauration des écosystèmes, notamment les milieux remarquables, et sur la réduction de l’artificialisation littorale. Il faudra poursuivre la réflexion sur la vulnérabilité et la gestion du trait de côte et passer en revue infrastructures et zones bâties existantes.

INTÉGRER L’ADAPTATION CLIMATIQUE DANS L’ACTION PUBLIQUE SUR LA BASE DE RÈGLES COMMUNES

Les schémas réglementaires État-région et les plans climats locaux opérationnels sont le cadre adapté à la planification et à la mise en oeuvre des politiques d’adaptation. Ces politiques doivent être coordonnées avec les actions d’atténuation. Le dispositif doit être cohérent, ambitieux et mailler tout le territoire. En particulier, la prévention future des risques doit faire l’objet d’un niveau supérieur d’opposabilité.
Le CESE propose aussi que les projections de référence et les cartes de vulnérabilités face aux changements climatiques soient intégrées dans les documents de planification. Ces références climatiques et les études de vulnérabilité devront être accessibles à tous. Le Conseil préconise d’intégrer les connaissances disponibles sur les climats futurs et leurs impacts dans les documents de prévention et de gestion des risques, via notamment une remise à jour des plans d’urbanisme local. De façon symbolique, le terme risque « naturel » pourrait disparaitre de leurs intitulés. Les politiques publiques d’adaptation nécessiteront un effort de solidarité nationale accru, notamment vis-à-vis de l’Outre-mer.

DÉVELOPPER LA CONNAISSANCE FONDAMENTALE ET APPLIQUÉE

La communauté scientifique doit être soutenue notamment pour élaborer des projections climatiques en mettant l’accent sur leur régionalisation, ainsi que la modélisation des impacts sur les territoires, les milieux naturels et les secteurs professionnels. Ces objectifs passent par le développement de nouveaux codes de calcul, mais aussi par le développement des services climatiques qui devraient permettre d’apprécier les impacts et la vulnérabilité de l’environnement et de la société aux changements climatiques. Une attention particulière devra être portée sur les phénomènes extrêmes et les risques liés aux hypothèses les plus pessimistes.
Pour cela, il faudra poursuivre les recherches interdisciplinaires fondamentales et appliquées, tant sur le plan de la modélisation intégrée climat-impacts que sur les questions socioéconomiques et culturelles. Par ailleurs, les recherches en santé/environnement doivent être davantage valorisées au travers de choix politiques clairs et de moyens budgétaires correspondants. Ces choix devront se retrouver dans les priorités de l’ANR. Enfin il faudra renforcer la recherche agronomique et l’innovation agricole, afin de favoriser le développement d’une agriculture mieux adaptée et résiliente : en anticipant les évolutions des maladies et des ravageurs ; en réaffirmant le caractère fondamental de l’objectif de sécurité alimentaire. Il convient de s’approprier l’idée d’un futur très sensiblement différent de notre présent et d’intégrer ce paramètre dans toutes les études sur les secteurs de production, les métiers et les pratiques professionnelles.