Auguste Perret et l'abri souverain

Catégorie
Éclairages
Date de publication
Chapeau

Auguste Perret est l'architecte du Palais d'Iéna, un de ses chef d'oeuvre compilant tout le style qu'il l'a défini : béton sublimé, claustras filtrant la lumière, abri à toutes fins utiles...

Corps

Auguste Perret, cherche à créer un nouvel ordre architectural avec, en tête, une idée très précise :

« Peut-on penser à l’architecture sans célébrer le Parthénon ? Nous sommes ici en présence de ce que les hommes ont réalisé de plus parfait. Rien dans tout ce que nous avons produit de plus précis dans la précise mécanique dont nous sommes si fiers, n’est aussi précis que les assemblages de tous les éléments de ce monument dont aucun, cependant, n’est régulier, car toutes les colonnes sont inclinées, celles d’angle sont plus grosses que les autres, les espaces qui les séparent diffèrent, le socle et l’architrave sont cintrés, tout cela pour corriger les défauts d’optique et atteindre l’harmonie. C’est le miracle grec », dira Perret en 1931. Il n’hésitera pas à faire le parallèle entre pratique du béton armé et architecture antique  : « C’est l’emploi de coffrages en bois qui donne au béton son aspect de grande charpenterie et le fait ressembler à l’architecture antique, parce que l’architecture antique imitait la construction en bois et que le béton armé se sert du bois, de là est cet air de famille dû surtout à l’emploi répété de la ligne droite imposée par le coffrage ; (…) La solidité de ce moyen de construction est telle qu’on ne l’emploie jamais massif, quelques poteaux suffisent à porter l’édifice et les intervalles entre ces poteaux peuvent être remplis avec les matières les plus variées.» Le Palais d’Iéna en est une flagrante démonstration et témoigne que la combinaison de figures simples permet de générer des formes élégantes et nouvelles. Pour l’historien Joseph Abram, il est « une architecture qui réinvente le classicisme en travaillant non pas sur le renouvellement des formes, mais sur les proportions des différents éléments constructifs ». 

La rotonde, qui accueille l’hémicycle, impose aux visiteurs dès leur arrivée place d’Iéna, sa monumentalité. Dotée d’une double ossature : la première est portée par des colonnes en retrait, la seconde couronnée, sous l’entablement, par des claustras dont les modules sont en « V ». L’ensemble est coiffé de deux coupoles, l’une, extérieure, constituée d’un voile de béton surmonté d’un lanternon, l’autre, intérieure, servant de couverture à l’hémicycle. 
La colonnade de l’aile de l’avenue d’Iéna est le second morceau de choix de la partition Perret. Pour magnifier cette façade, l’architecte n’hésite pas à user de tous les artifices visuels : colonnes tronconiques, et pour donner davantage le sentiment d’effilement, il les installe tête en bas, le diamètre le plus petit à la base.

Pour l’esthétique globale de l’édifice, comme l’explique Auguste Perret : « Ce qui fait la solidité du béton de ciment armé, c’est, outre la résistance propre, le monolithisme de l’ossature, monolithisme où toutes les pièces sont encastrées les unes dans les autres, et c’est pour exprimer cet encastrement que nous avons été conduits à faire nos points d’appui plus gros en haut qu’en bas, à l’inverse de ce qui se faisait jusqu’à présent pour les colonnes. Nous avons hésité longtemps avant d’oser cette forme et c’est en Égypte, l’aspect d’un groupe de palmiers dont les troncs s’élançaient à plus de vingt mètres de hauteur en grossissant toujours, qui nous a décidés. Pour passer de la forme cylindrique de la colonne à la forme rectangulaire de la poutre, nous avons interposé un tronc de pyramide à base carrée avec courbe de raccordement au cylindre. Ce n’est pas un chapiteau, c’est un lien, mais ce lien termine la colonne et fait d’elle, avec son galbe et sa base, un individu, une personne, qu’on ne peut sans mutilation allonger ou raccourcir. »

Le Palais d’Iéna est l’une des œuvres phares de l’architecte Auguste Perret (1874-1954) qui unit la théorie à une parfaite connaissance des matériaux, de la pratique ordinaire d’un chantier et des techniques de construction. Comme Viollet-le-Duc, Baudot, ou Guadet, il considère cette fonction de constructeur comme l’essence même de l’architecture. En 1899, Perret découvre et se passionne pour les possibilités du béton armé, qui est pour lui le matériau moderne par excellence. Il cumule tous les avantages : aisément disponible, économique et performant, une matière « miraculeuse », à même de pouvoir forger une expression monumentale qui hissera le XXe siècle sur un pied d’égalité avec ­l’Antiquité et avec le Moyen Âge. Sublimer le béton armé, c’est ce à quoi va s’employer Auguste Perret tout au long de sa vie.


Quelques-unes de ses réalisations
A Paris : Immeuble au 25 bis, de la rue ­Benjamin-Franklin (1903), Théâtre des Champs-Élysées (1913), Salle Cortot du Conservatoire de Musique (1929), Palais du Mobilier national (1934), Eglise Notre-Dame de la Consolation (1923) au Raincy, Tour d’Orientation (1925) à Grenoble, Tour de la place Alphonse-Fiquet (1942) à Amiens et enfin après la Seconde Guerre mondiale, reconstruction du centre-ville du Havre inscrit depuis 2005 par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité. 

Pour en savoir plus encore 


Textes issus du livret réalisé par AD pour le CESE
CNAM - DAF/ Cité de l'architecture et du patrimoine/. Archives d'architecture du XXe siècle
Palais d'Iéna, Auguste Perret - UFSE SAIF www.unionpourlenfance.com

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