La Commission temporaire Fin de vie a finalisé son bilan de la loi Claeys Leonetti

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La Commission temporaire Fin de vie, installée depuis le 20 septembre 2022, a consacré la première partie de son projet d'avis intitulé "Fin de vie : faire évoluer la loi ?" à l'étude de la loi Claeys Leonetti. Elle en dresse un premier bilan avant d'en proposer une mise en oeuvre pleine et quelques pistes possibles d'évolution. Elle présentera son travail devant l'assemble plénière le 9 mai.

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Un cheminement riche

Loin de l'opposition du pour ou contre l'accompagnement de la fin de vie (soins palliatifs/aide active à mourir), la réflexion se doit d'être exhaustive en recueillant la parole de l'ensemble des parties prenantes. Pour faire le point sur la loi existante, la Commission a auditionné les professionnels de santé hospitaliers y compris des équipes pluridisciplinaires mobiles de soins palliatifs (EMSP) comme celle du centre hospitalier intercommunal Haute-comté de Pontarlier. Les échanges notamment avec le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie ont permis de mettre en lumière la protection juridique des personnes vulnérables, la formation des mandataires, le rôle des travailleurs sociaux. L'écoute des philosophes et sociologues a rappelé l'évolution de notre rapport à la mort. Enfin l'audition d'associations (collectif handicaps, de bénévoles et aidants) a contribué à rappeler la dimension relationnelle essentielle de respect et de confiance dans les choix personnels sur la fin de vie.

Ce cheminement dans la réflexion aboutit à plusieurs points clés : le respect et la liberté de chacun, la nécessaire information des dispositions trop méconnues, les moyens et maillage territorial insuffisant, le décalage entre le cadre législatif ou éthique et la réalité du terrain.

Un bilan de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie

La commission temporaire a consacré la première phase de ses travaux au bilan de la loi dite loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie » et plus généralement à la mise en œuvre des soins palliatifs.

Par rapport aux textes antérieurs, la loi apporte principalement un droit à la sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès et renforce les directives anticipées. Celles-ci s'imposent désormais aux médecins, sauf si elles apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Or le pourcentage de directives anticipées reste très faible, et il n'y a pas eu d'études nationales de conduite sur l'acte de sédation profonde et continue jusqu’au décès, mais uniquement des études de terrain, par définition partielles. 

Des soins palliatifs insuffisants sur l'ensemble du territoire

Le bilan retrace l'évolution du nombre de lits de soins palliatifs en France. On constate que si les capacités d'accueil hospitalières s'accroissent, le maillage territorial reste hétérogène et incomplet. En hospitalisation à domicile, les moyens sont également insuffisants. Il existe aussi des équipes mobiles de soins palliatifs qui interviennent à l'hôpital où à domicile et dans les établissements médico-sociaux. Globalement, l’offre de soins palliatifs est inégalement répartie sur le territoire. Les ressources humaines allouées aux structures sont inférieures aux effectifs théoriques fixés par les textes et la formation du personnel est insuffisante. On sait également que l'offre de soins palliatifs ne répond pas à l’ambition de la loi notamment au regard du nombre de personnes susceptibles de pouvoir en bénéficier du fait de leurs pathologies.

Une terminologie méconnue ou qui reste à éclaircir pour les personnels soignants et les patients

Les études font apparaître que les médecins exerçant en soins palliatifs interrogés ont majoritairement une attitude nuancée voire défiante à l'égard de la loi. Ils éprouvent notamment des difficultés liées à la terminologie utilisée qu'ils jugent insuffisamment claire. De plus les auditions de soignants font apparaître que les pratiques ne sont pas homogènes, que la mobilisation des outils existants peut varier selon le territoire voire le service concerné. Les décisions médicales effectivement prises en fin de vie restent mal connues.

Une situation inégalitaire pour les personnes fragilisées 

Le bilan s’est particulièrement intéressé au sort réservé en fin de vie aux personnes vulnérables, comme les résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les personnes en situation de grande pauvreté, de handicap, les personnes protégées, celles dont la capacité de discernement ou le consentement sont altérés ou abolis (maladies psychiatriques, dégénérescences…). La loi, en donnant davantage de place aux volontés des résidents en fin de vie des Ehpad, nécessite une réflexion poussée, car ils peuvent être dans l'incapacité d’énoncer leurs souhaits. Pour les personnes en situation de grande précarité, l'accès aux soins palliatifs n'est pas facilité. Souvent, les directives anticipées peuvent leur apparaître secondaires, et les difficultés médicales s'ajoutent à toutes celles de la vie courante. Les personnes juridiquement protégées rencontrent des difficultés d'accès aux droits qui s’accroissent avec leur degré de protection, alors même que la prise de décisions les concernant en matière médicale nécessite toujours leur consentement. La situation des mineurs, particulièrement sensible, a également été abordée. 

7 pistes d'action pour une pleine mise en oeuvre de la loi

Enfin, si les principes de mise en œuvre des soins palliatifs sont restés applicables lors de la pandémie de COVID-19, les retours d'expérience sont très divers : certains expriment le sentiment d'une meilleure mobilisation des savoir-faire, d'autres d'une remise en cause profonde du travail en soins palliatifs. Les équipes soignantes ont été confrontées à des difficultés d’ordre éthique, certaines libertés fondamentales n'ont pas été respectées, des personnes ont pu se sentir abandonnées par le système de soins.
Le bilan relève sept points sur lesquels l'accent doit être porté pour assurer aujourd'hui une pleine mise en œuvre de la loi :

- donner des moyens humains et financiers pour développer réellement l’accès aux soins palliatifs sur tout le territoire, outre-mer inclus ;
- promouvoir une culture intégrative des soins palliatifs, soins qui ne débutent pas seulement en toute fin de vie ;
- se doter de l’organisation et des moyens pour prendre en compte l’impact d’une nouvelle crise sanitaire ;
- se doter d’un cadre législatif clair et facile à comprendre par toutes et tous : patients, proches et personnel soignant ;
- élaborer un modèle de directives anticipées simple  et facile à remplir par tout citoyen ;
- réaliser effectivement l’évaluation annuelle de la loi prévue par les textes en s’appuyant sur des données précises ;
- assurer la prise en compte effective des personnes vulnérables.
 

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