Discours de Patrick Bernasconi au CES du Liban

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Vie de l'assemblée
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Le Conseil économique et social du Liban a accueilli le Président du CESE lundi 16 septembre
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En déplacement au Liban, le Président du CESE Patrick Bernasconi s'est rendu au Conseil économique et social ce lundi 16 septembre. Il s'y est entretenu avec Charles Arbid, Président du CES et Bruno Foucher, ambassadeur de France. Le Président du CESE a également assisté à la séance plénière. 

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Corps
Monsieur le Président,
Cher Charles ARBID,
Mesdames les Conseillères,
Messieurs les Conseillers,
Monsieur l’Ambassadeur,
Mesdames, Messieurs,
 
C’est un plaisir mais également un honneur pour moi de me trouver ici parmi vous à Beyrouth, près d’un siècle après la création du Grand Liban en 1920, et je tiens à adresser le salut confraternel du CESE français à ses homologues du CES libanais. Et remercier plus personnellement le Président ARBID de son accueil et de son amitié.
 
Cher Président, peu après votre élection en décembre 2017 à la tête du Conseil économique et social, vous vous êtes rendu à Paris et nous avons fait connaissance au printemps l’an dernier.
 
Il me faut préciser que notre Ambassadeur ici présent, M. Bruno FOUCHER, que je tiens à saluer, avait pris soin de m’écrire suite à votre rencontre pour me recommander vivement de vous recevoir. Il avait d’ailleurs insisté sur le rôle important que votre institution est en mesure d’assurer en termes de conseil et d’orientation dans la politique économique que le Gouvernement libanais entendait mettre en œuvre après les élections du 6 mai 2018.
 
Et ce, dans le sillage de la Conférence CEDRE sur le Liban, qui s’est tenue avec succès l’an dernier à Paris et que le Président de la République a lui-même clôturée.
 
Ce sujet est très important et d’autres que moi sont mieux placés pour en parler. Je fais référence, vous l’aurez compris, à la visite récente de Pierre DUQUESNE à Beyrouth début septembre, un diplomate de grande expérience, que le Président de la République a justement chargé d’assurer le suivi de la « Conférence économique pour le développement, par les réformes et avec les entreprises », dite CEDRE.
 
A cet égard, nous nous réjouissons des efforts réalisés par le Gouvernement formé en début d’année.
 
Il est à la tâche pour mettre en œuvre les réformes économiques et budgétaires, ainsi que le plan d’investissements dans les infrastructures annoncés l’an dernier à la Conférence, et que la Communauté internationale appelle de ses vœux.
 
Les investisseurs apprécient ces signaux encourageants et j’ai la conviction que plus le Liban s’engagera sur cette voie, plus ses partenaires le soutiendront. 
 
J’aurai sans doute l’occasion d’échanger à ce sujet, entre autres, lors des entretiens prévus demain avec le Président de la République, le Président de la Chambre des députés et le Président du Conseil des ministres. Ce dernier sera d’ailleurs à Paris vendredi 20 septembre, ce qui illustre bien l’évolution très favorable du contexte et la dynamique actuelle entre le Liban et ses partenaires, au premier rang desquels la France bien sûr.
 
Monsieur le Président,
 
Permettez-moi de revenir à notre rencontre. Dès notre premier entretien, vous m’aviez fait part de votre souhait de m’inviter à Beyrouth, de manière officielle.
Vous aviez également évoqué, déjà, l’idée d’une convention de partenariat afin de bénéficier de l’expérience du CESE de France. Votre vision au service du Conseil que vous présidez, ainsi que votre détermination ont donc porté leurs fruits !
 
Depuis, nos liens se sont renforcés, notamment dans le cadre du séminaire organisé par l’OCDE, qui a permis d’organiser une première session au mois d’avril dernier, lors de laquelle plusieurs représentants de Conseils économiques et sociaux sont venus vous faire part de leur expérience et échanger avec vous :
- le CES d’Espagne,
- ainsi que le CESEC de Côte d’Ivoire, dont ==je le précise au passage== le Président, mon ami Charles Koffi DIBY, va prendre dans quelques jours la présidence de l’AICESIS, c’est-à-dire l’Association Internationales des CES et Institutions Similaires ;
- le CESE de France était également présent, puisque notre conseiller diplomatique, Michaël CHRISTOPHE, également Secrétaire général de l’Union des CES francophones, l’UCESIF, y a participé. 
 
Par la suite, nous avons reçu à Paris au mois de juin une délégation de membres de votre Conseil, qui ont travaillé avec Mesdames Carole COUVERT, Vice-présidente du CESE en charge de la coopération européenne et internationale au sein de l’AICESIS, et Marie-Béatrice LEVAUX, référente pour la francophonie.
 
C’est à dessein, vous l’aurez compris, que j’ai mentionné les deux instances internationales au sein desquelles nos Conseils se côtoient et travaillent avec leurs homologues du monde entier. En effet, l’AICESIS comme l’UCESIF tiendront cette année une assemblée générale élective, marquant un changement de présidence, mais aussi un renouvellement de leur gouvernance.
Dans cette perspective, je vous invite à soumettre la candidature de votre CES au Conseil d’administration de l’AICESIS et au Bureau de l’UCESIF. Voilà deux opportunités importantes pour permettre au CES du Liban de réinvestir la scène internationale !
 
Je suis intimement persuadé que notre action au-delà de nos frontières, avec des pays ayant des Conseils économiques et sociaux, ou qui souhaitent en créer pour conforter leur démocratie, est essentielle. C’est la raison pour laquelle, dès mon élection à la présidence du CESE, j’ai inscrit dans les axes stratégiques de notre mandature 2015 – 2020, la relance du projet européen et le développement de la coopération internationale.
Et je tiens à saluer le soutien de l’AFD, avec laquelle le CESE a une convention de partenariat stratégique et financier. J’ai d’ailleurs demandé à inscrire au programme de cette convention pour 2019-2020 notre collaboration avec le CES du Liban, où l’AFD est très présente, comme vous le savez. 
 
Par ailleurs, sur un sujet qui nous tient particulièrement à cœur, qui est la promotion de la langue française, chacun sait que le Liban est un pays actif au sein de la Francophonie multilatérale. Vous avez rejoint l’Organisation internationale de la Francophonie en 2010, et votre Conseil pourrait s’inscrire dans cette dynamique nationale en participant aux travaux de l’UCESIF.
Et ce d’autant plus qu’il n’y a pas aujourd’hui de pays membre représentant le Proche-Orient. Il y a donc un véritable espace pour le CES du Liban.
 
Je me félicite de la qualité de nos relations et nous sommes ici pour les célébrer en signant un accord de coopération, qui traduit notre amitié sincère, ainsi que notre volonté commune de renforcer nos liens.
 
Nous pouvons nous inspirer mutuellement, car les problèmes que nous connaissons constituent autant de défis communs : la lutte contre les inégalités, contre le chômage, la précarité et l’injustice climatique sont des combats que nous pouvons mener ensemble.
 
Le partage d’expériences et la coopération, à l’image de celle que nous inaugurons aujourd’hui, deviennent dans cette perspective des outils qu’il est indispensable de mettre en valeur. Surtout à l’heure où votre Conseil entend ajouter à ses compétences économiques et sociales les aspects environnementaux et culturels, à l’instar de nombreux Conseils dans le monde.
 
Pour ce qui concerne la France, l’actualité du CESE est riche et je sais que vous la suivez avec grand intérêt, ce qui m’honore.
 
Jamais sans doute l’existence de nos Assemblées n’aura été plus justifiée. Jamais peut être nos gouvernants n’auront eu autant besoin d’elles. 
De nous tous pour inspirer les réformes, réduire les fractures sociales, territoriales, numériques, écouter la parole citoyenne, rapprocher les points de vue.
 
Le lien que nous tissons entre nos sociétés et les responsables politiques, ce trait d’union entre citoyens et Pouvoirs publics que nous incarnons, est plus nécessaire que jamais.
 
Préparer les réformes et surtout donner à nos responsables politiques la mesure de leur acceptabilité par les citoyens, voilà la fonction première d’une assemblée consultative, de la chambre de la société civile organisée.
 
La France a connu il y a quelques mois, vous le savez parfaitement, une période particulièrement difficile lors du mouvement des gilets jaunes. Ce fût l’expression, parfois violente, d’une crise de la représentativité après trop d’années d’écoute insuffisante de nos concitoyens par ses dirigeants et trop d’années durant lesquelles se sont agrégés, petit à petit, les mécontentements dans les couches les plus fragilisées de la population.
 
Et c’est à l’issue du Grand débat national que le Président de la République, Emmanuel MACRON, a annoncé sa volonté de transformer le CESE en « Conseil de la participation citoyenne » et d’installer, sans attendre la réforme de la Constitution, une convention citoyenne sur le climat. 
Le tirage au sort des 150 citoyens, représentatifs de la population française, est d’ailleurs en train de s’achever et le Chef de l’Etat viendra inaugurer les travaux de la Convention citoyenne début octobre au CESE. 
 
C’est une innovation démocratique majeure.
En effet, le Gouvernement s’est engagé publiquement à répondre aux propositions qui seront formulées à l’issue de la convention citoyenne début 2020.
 
La dynamique dans laquelle se trouve actuellement le CESE ne fait que renvoyer à l’urgence démocratique que j’ai moi-même souligné dans les médias avec l’appui des 80 organisations représentées au sein du Conseil. 
Et ce, afin d’aboutir sur le projet de réforme tant attendu, notamment pour associer la parole citoyenne aux décisions publiques. 
Quels sont les principaux axes de cette réforme constitutionnelle ?
 
Avant tout, il s’agit d’inscrire le CESE dans la fabrique de la loi, par la saisine automatique sur tous les projets de loi du Gouvernement dans les domaines économique, social et environnemental.
Ainsi, les parlementaires, députés et sénateurs auront une meilleure connaissance de nos avis, ce qui complétera leur information et contribuera à renforcer la collaboration entre les trois assemblées, afin que la démocratie représentative et la démocratie participative se complètent.
Ce nouveau CESE sera investi d’une mission d’organisation du débat public, sur saisine gouvernementale, sur de grands projets de réforme, en amont de la discussion de celles-ci. J’y vois là une amélioration importante qui justifie pleinement pour le CESE sa nouvelle appellation de Conseil de la participation citoyenne.
Pour mémoire, nous pouvions déjà être saisis par 500 000 signataires d’une pétition.
Cette possibilité devrait être élargie aux pétitions numériques, qui seront déposées sur une plate-forme et nous serons attentifs aux pétitions citoyennes numériques n’atteignant pas les 500 000 signataires, mais qui selon nous n’en mériteront pas moins d’être écoutées. Et justifiant parfois de notre part une auto-saisine.
Nous en avons d’ailleurs déjà fait la démonstration. Cela a concerné au cours de notre mandature la fin de vie, les déserts médicaux, ou le prix du carburant pour ne citer que ces exemples.
 
Enfin, une réduction du nombre de Conseillers est prévue, tandis que le pouvoir exécutif ne nommera plus de « personnalités qualifiées », ce qui avait parfois nui à l’image de notre Assemblée.
 
Ainsi, les membres seront tous désignés par les organisations, syndicats et associations qu’ils sont appelés à représenter. 
 
Au fond, ce projet de réforme touche à l’essentiel, puisqu’il doit permettre au CESE de remplir le rôle que les fondateurs de la 5ème République lui ont assigné, à savoir l’expression des corps intermédiaires, tout en instaurant une « démocratie augmentée » par la prise en compte de la parole citoyenne. 
 
Mesdames, Messieurs,
 
Des Assemblées comme les nôtres sont aujourd’hui stratégiques pour tous les pouvoirs en place. Elles sont avant tout les garantes de ce lien si nécessaire entre ceux qui détiennent l’autorité et ceux qui l’ont reçue à l’issue d’un processus démocratique.
 
Soyons donc fiers de ce que nous sommes, un trait d’union entre citoyens et dirigeants, un outil pour réduire les fractures et un rempart face aux populismes.
 
Cher Président ARBID,
 
Pour conclure mon propos, je tenais à rappeler l’un des passages d’une belle lettre que vous m’avez adressé après la victoire des Bleus en finale de la Coupe du Monde de Football en juillet 2018.
 
Dans cette lettre, vous me disiez combien cet événement vous avait réjoui et que cette victoire avait dans votre pays une signification particulière, tant les Libanais sont attachés à la France.
Et surtout, vous citiez les mots du Général de Gaulle, qui disait : « Dans tout cœur de Français digne de ce nom, je puis dire que le nom seul du Liban fait remuer quelque chose de particulier. »
 
Pour vous faire une confidence, cette expression décrit parfaitement le sentiment que j’éprouve parmi vous aujourd’hui.
Je vous remercie.

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