Discours du Président Bernasconi - 70ème anniversaire de l'inscription du CESE dans la Constitution

Catégorie
Vie de l'assemblée
Date de publication
Sous-titre
En présence de François Hollande, Président de la République
Corps

Vendredi 28 octobre 2016

Monsieur le Président de la République,         

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Conseillères, Conseillers et Personnalités associées,

Mesdames et Messieurs les anciens conseillers, 

Mesdames,  Messieurs,

L’institution qui vous accueille fête aujourd’hui le 70ème anniversaire de son inscription dans la Constitution, consécration de son rôle et de sa légitimité. 70 ans d’évolution et de prise en compte des enjeux qui ont traversé notre société, 70 ans de traduction des attentes de la société, mais surtout 70 ans de préconisations pour répondre aux  évolutions, aux mutations de cette société.  

70 ans, l’âge de la sagesse diront les philosophes. L’âge de la maturité ajouteront ceux qui voient loin. J’ai pour ma part surtout l’envie de dire que nous avons au Conseil économique social et environnemental l’âge de notre expérience et que celle-ci n’est pas mince. Nous avons l’âge de notre volonté, et celle d’être utile au pays ne nous a jamais fait défaut. Nous avons enfin l’âge de nos projets et de nos ambitions, et à cette aune-là, je nous vois formidablement jeunes.

Cet anniversaire, Monsieur le Président de la République, c’est surtout l’occasion pour l’institution que je préside depuis bientôt un an de faire un point sur l’estime, l’intérêt et la considération qui lui sont portées, c’est l’occasion surtout de faire le point sur son utilité démocratique. C’est un anniversaire qui est la promesse de  notre avenir. Un avenir éminent parce qu’utile à la démocratie, indispensable à la cohésion de notre société et à la capacité de créer du «  vivre ensemble », du « faire ensemble ». A cet égard je mesure l’honneur de votre présence en ces lieux, M. le Président, pour la deuxième fois depuis le début de l’année. Cet  honneur, je tiens à le partager avec l’ensemble des acteurs de ce conseil, avec celles et ceux qui permettent à cette institution de fonctionner et travailler au service des françaises et des français. 

Nous ne sommes pas nés d’un caprice ou d’une lubie mais d’une pensée et d’une volonté, et c’est au service de cette pensée et de cette volonté que l’ensemble des conseillers de cette belle institution se sont toujours rendus disponibles. Jacques Chirac, dans le discours prononcé pour notre 50ème anniversaire avait  affirmé que les premières traces du conseil économique  remontaient à Henri IV. La référence à un roi ne dérange pas le républicain que je suis pourvu que ce monarque fut juste, de bon sens et servit bien la France, et ma foi, Henri IV est plutôt resté dans l’Histoire pour avoir démontré ces qualités-là. Consulter pour rendre la loi plus juste, acceptable pour le plus grand nombre voilà une mission et une méthode républicaine et démocratique. C’était audacieux pour un roi, en tous les cas c’était le résultat d’une vision politique très moderne.

L’anniversaire que nous célébrons aujourd’hui, est la consécration de cette vision. L’anniversaire que nous célébrons aujourd’hui, celui de la  « transcription de notre assemblée dans la constitution » est la reconnaissance de son utilité incontournable. Cette transcription est la traduction de la sagesse, celle d’inscrire «  dans le marbre » de notre loi fondamentale  les bases de la démocratie etde la cohésion sociale, celle inscrite dans la constitution de 1946, confirmée dans celle de 1958, renforcée en 2008

Le Conseil économique social et aujourd’hui environnemental est donc la troisième assemblée constitutionnelle de la République.  Une assemblée qui compte, une assemblée qui fait partie de ces institutions légitimes pour exprimer la parole publique et parler au nom des pouvoirs publics. Bien davantage, permettez-moi de le dire, quetous ces comités d’experts supposés ou autorités improvisées qui, sous l’effet de je ne sais quelle génération spontanée ont tendance à se multiplier au point d’être dénoncées dans un rapport sénatorial récemment. Le CESE a une autre autorité qu’il tire de la Constitution. Et que confirme la composition qui est la sienne.

Le CESE, ai-je coutume de dire, c’est une petite France où sont représentés des millions de nos concitoyens, de métropole et d’outre-mer. Assemblée la plus paritaire de notre pays, le conseil est surtout le seul lieu de la République où des organisations aux options différentes voire opposées s’écoutent, se parlent, cultivent le consensus au- delà de leurs différences et bâtissent ensemble : les agriculteurs y parlent aux environnementalistes, les syndicats aux employeurs. Nous sommes  l’un de ces espaces de respiration, de dialogue et de vivre ensemble, du faire ensemble, du construire ensemble, dont notre France a tant besoin. Nous ne sommes pas seulement un lieu. Nous sommes un lien. Nous ne sommes pas une concurrence ou une redondance. Nous sommes un complément et un avantage.  Nous ne sommes pas des élus. Mais nous sommes des traits d’union. Et notre vocation, ancrés comme nous le sommes dans la société civile, est d’être toujours davantage le miroir de la société. Au-delà du miroir, nous sommes même  un moteur comme l’avait imaginé Charles de Gaulle.

Quelle est la responsabilité principale du CESE ?   Eclairer  les décisions des pouvoirs publics. Cet éclairage, il est apporté par le biais d’avis rendus sur la base de saisines gouvernementales, parlementaires ou encore par le biais d’auto saisines, fruits de la proposition des formations de travail du CESE. Nos travaux, après examen, confrontations, débats et auditions finissent par traduire sur un sujet ce que j’ai envie d’appeler son acceptabilité sociale. Pour prendre une image, le CESE joue le rôle d’incubateur de la réforme avant d’en devenir l’un des principaux  leviers. Notre assemblée est moderne, car elle est l’artisan de consensus bâtis en amont. Nous sommes un accélérateur de réforme, un organisme de liaison, une conjonction de coordination qui assure à la phrase politique sa bonne compréhension et acceptation. C’est à dire un outil indispensable à une démocratie comme la nôtre. Le gouvernement l’utilise d’ailleurs comme cela. Et pour preuve à titre d’exemple: neuf de nos préconisations sont intégrées dans la loi travail suite à l’avis du CESE sur le développement de la culture du dialogue social. Et depuis décembre 2015, date de la nouvelle mandature, le CESE a été saisi dix fois  par le gouvernement. La dernière saisine en date porte sur l’avenir de la fonction publique. Nous rendrons sur ce sujet, essentiel pour notre pays, un avis dès janvier. Toujours pour le compte du gouvernement ainsi qu’à la demande du comité économique et social européen, nous produirons dans les semaines qui viennent un avis sur la question complexe mais essentielle du socle social européen. J’ajoute que nous venons par ailleurs d’être saisis par le Président de l’Assemblée nationale d’un sujet lui aussi d’actualité : le revenu minimum universel garanti. Le CESE a aussi interpellé le gouvernement sur la justice climatique et a été entendu par la commission développement durable de l’Assemblée Nationale. Cet avis ouvre la voie d’un consensus pour l’action. Par ses propositions, il engage les pouvoirs publics et la société à limiter et réduire les inégalités sociales et économiques générées par le réchauffement planétaire.Comme vous pouvez le constater, les sujets que nous traitons au CESE, ne sauraient être considérés comme mineurs

En prise directe sur la société civile organisée, nous le sommes. En lien avec les pouvoirs publics et les élus de la Nation nous le sommes pareillement. Il reste encore à faire du Conseil ce qu’il est par nature constitutionnelle : le facilitateur d’expression citoyenne. Il s’agit là à mes yeux d’une nouvelle preuve de la modernité du Conseil. Car si notre société évolue, le citoyen change lui aussi : plus exigeant, plus désireux de participer, actif sur les réseaux dits sociaux, il montre une volonté : celle de construire son propre «  écosystème » et de participer à son élaboration.

Mais comment faire quand je suis citoyen pour élaborer des recommandations construites, comment puis-je transformer mes revendications en propositions, car c’est bien là  l’enjeu ?

Par la réforme constitutionnelle de 2008, le Parlement a donné au CESE, le devoir de se saisir des pétitions citoyennes dès lors qu’elles réunissaient 500 000 signataires. Et nous sommes les seuls à pouvoir nous en saisir. C’est un pas important. Et j’ai écouté avec intérêt votre proposition, M. le Président de faire obligation à l’Assemblée d’organiser un débat parlementaire dès lors que se présenterait une telle pétition. Puis-je ajouter qu’un tel débat pourrait alors s’appuyer sur l’avis rendu par le Conseil économique social et environnemental, ce qui présenterait alors à mon sens une véritable cohérence institutionnelle.

Mais comment ne pas évoquer également ces pétitions plus modestes mais pas moins importantes qu’aucune institution ne prend véritablement en charge dans notre pays. Alors même qu’il s’agit d’une pratique courante en Europe. Il n’est pas nécessairement question de revendication ou de protestation mais de pétitions qui renseignent et alertent sur les préoccupations d’une société, sur un débat qui monte, sur une idée qui s’impose, sur une cause qu’il serait bon de défendre… Ces expressions individuelles de nos concitoyens, de la société civile,  doivent selon moi trouver une traduction collective et cette traduction collective ne peut qu’être l’œuvre de l’assemblée de la société civile organisée. Notre Conseil me semble le mieux placé pour être le récepteur de ces manifestations citoyennes et y donner suite. Car il est, du haut de ses 70 ans, une force moderne au service de tous. Il est un mélange d’idéal et de pragmatisme qui le rend incontournable. Il dispose d’un sens des réalités qui rend toute ambition accessible, et d’uneexpérience du terrain je le crois irremplaçable. « La jeunesse est une acquisition de l’âge mûr » disait l’écrivain Paul Guimard. C’est une proposition que vous me permettrez, M. le Président de reprendre à mon compte.

Je vous remercie.

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