Les femmes éloignées du marché du travail

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Une nouvelle saisine de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité
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La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité se propose, dans ce projet d'étude, d’analyser les différents freins qui restreignent l'accès des femmes au marché du travail puis d’envisager, à la lumière d’expériences étrangères, des pistes d’actions favorisant l’égalité des chances et garantissant la liberté de choix.

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La croissance de l’activité féminine, notamment salariée, en France comme chez nos voisins européens, constitue l’une des mutations majeures de la seconde moitié du XXème siècle. En témoigne l’augmentation du taux d’activité (part des actifs en emploi ou au chômage dans la population) des femmes, qui est passé de 46 % au début des années 1960 à 66,2 % fin 2011 pour la tranche d’âge de 15 à 64 ans. Le taux d’activité de celles âgées de 25 à 54 ans atteint presque 84 % en 2011 contre 94,4 % pour les hommes.

Avec un tel taux d’activité féminine, la France n’est dépassée que par les pays de l’Europe du Nord (Finlande 85 %, Danemark 86 % et Suède 87,5 %) et se situe près de 6 points au-dessus de la moyenne européenne. De plus, notre pays conjugue cette participation élevée des femmes au marché du travail avec l’indice de fécondité le plus important (aux côtés de l’Irlande) des pays de l’UE soit plus de 2 enfants par femme, devant les pays scandinaves (entre 1,8 et 1,9).
Cette vision dynamique doit toutefois être nuancée, tout d’abord en gardant un œil critique sur les statistiques mesurant l’emploi des femmes ainsi que nous y invitent Margaret Maruani et Monique Méron dans leur ouvrage « Un siècle de travail des femmes en France » publié en octobre 2012. « Distinguer ce qui doit être ou non compté dans l’emploi ou le chômage est une interrogation qui concerne plus souvent et plus systématiquement les femmes que les hommes ». Ainsi, la non disponibilité dans les quinze jours (condition d’éligibilité à la catégorie de chômeurs) ou l’absence de démarches de recherche d’emploi (souvent par découragement) transforment, en 2011, selon les auteures près de 500 000 femmes qui se disent et se pensent chômeuses en autant d’inactives. La reconnaissance du travail des conjointes collaboratrices dans l’agriculture, l’artisanat ou le commerce ne s’est, quant à elle, véritablement traduite dans l’ouverture de droits que depuis la loi du 2 août 2005.
Par ailleurs, les deux déterminants principaux de l’activité féminine sont la composition familiale (nombre et âge des enfants) et le niveau de diplôme, alors que ces deux facteurs jouent peu sur l’activité masculine. Ainsi, dans la tranche d’âge 25-49 ans, si 83 % des mères d’un enfant de moins de 3 ans sont en emploi ou en cherchent un, ce taux tombe à 63 % avec deux enfants (dont le plus jeune a moins de 3 ans)  et  à
38 % pour trois (dont le dernier a moins de 3 ans). A cet égard, le taux d’activité des Françaises mères de jeunes enfants figure parmi les plus faibles de l’UE à 15.
Si les politiques sociales et familiales promeuvent l’articulation entre les temps de vie professionnelle, personnelle et familiale, qui facilite le maintien des femmes dans l’emploi, certaines de ses mesures ont néanmoins pu encourager une réduction d’activité, voire un retrait des mères du marché du travail. De fait, l’immense majorité (96 %) des bénéficiaires des congés parentaux sont des femmes, dont la plupart ont de faibles qualifications, avaient des conditions de travail contraignantes et/ou se heurtaient à un déficit de modes de garde adaptés, financièrement accessibles. Pour autant, le Haut Conseil de la famille estime qu’environ
40 % des mères, soit près de 210 000 femmes, qui se sont arrêtées de travailler après une naissance auraient préféré poursuivre leur activité et pour environ 84 000 d’entre elles, l’absence de solution de garde en a été la raison principale. Pour mémoire, plusieurs rapports parlementaires ont évalué le besoin d’accueil non satisfait entre 350 000 et 400 000 places.
Une enquête réalisée en 2011 par le CREDOC montre par ailleurs que les interruptions d’activité de moins d’un an n’obèrent pas le retour dans un emploi stable mais qu’en revanche le passage à temps partiel, dès la naissance du premier enfant, semble inscrire durablement les mères sur des emplois de ce type. Il apparaît surtout que les mères les moins qualifiées et les moins rémunérées optent le plus souvent pour un congé parental total long (3 ans) et que leur probabilité de revenir en emploi à son issue diminue nettement.
Il faut également avoir conscience que, pour certaines jeunes femmes, l’accès à l’emploi continue d’être contraint par un environnement culturel et social induisant orientation, choix de formation et de métiers moins diversifiés et moins porteurs d’évolution professionnelle que pour leurs homologues masculins.
Sensibilisée de longue date à la nécessité de conforter le droit au travail de toutes les femmes, gage d’autonomie, rempart contre la précarité et aussi apport essentiel au PIB, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité se propose dans cette étude d’analyser les différents freins qui restreignent ce droit puis d’envisager, à la lumière d’expériences étrangères, des pistes d’actions favorisant l’égalité des chances et garantissant la liberté de choix. Celles-ci seraient axées tant sur le renforcement de la prise en compte de la parentalité dans la vie professionnelle en encourageant l’implication des pères, que sur le développement et la diversification des solutions d’accueil des jeunes enfants mais aussi sur les modalités d’accompagnement du retour à l’emploi des bénéficiaires de congés parentaux, notamment en termes de formation.