Vote de l'avis "La dette : un pont entre passé et avenir"

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Vie de l'assemblée
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Avis voté en plénière le 13 juin
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Avis  présenté par M. Michel Lamy au nom de la section de l'économie et des finances présidée par M. Hugues Martin

Corps

La dette publique française atteint 1717 mds d’euros : elle mérite un traitement approprié et résolu, de long terme, équilibré et dépassionné. Cela exige une prise de conscience lucide et courageuse de la société tout entière. Si elle est contenue à un niveau soutenable pour les finances publiques, la dette publique peut générer des bénéfices futurs, à condition de veiller au bien-fondé de l’endettement.

L’Etat a un horizon infini et peut intégrer dans ses choix des externalités et une dimension intergénérationnelle. La dette publique peut donc être utile, en particulier pour financer des investissements.

Les dettes publiques ont progressé partout depuis les chocs pétroliers. Le changement des politiques économiques dans le milieu des années 80 a induit une montée des taux d’intérêt réels qui a rendu la dette coûteuse. Les entreprises ont été conduites, dans un contexte de concurrence, à contenir les salaires, le chômage a augmenté et ainsi le partage de la valeur ajoutée s’est opéré davantage au profit des détenteurs de capital. La croissance et l’emploi ont été pénalisés. Dès lors, les Etats ont poussé les banques à développer le crédit et ont multiplié les dépenses fiscales. En France, tous les gouvernements depuis 2000 ont consenti des baisses d’impôts.

La crise de 2007-2008 a éclaté dans ce contexte. La récession a encore alourdi la dette publique .

En regard, l’endettement privé demeure maîtrisé en France. L’endettement des ménages reste modeste (57 % du PIB) et leur taux d’épargne est assez élevé (16 % en 2011). L’endettement des entreprises non financières s’établit à 131 % de la valeur ajoutée.

La dette publique, qui était parmi les plus faibles des pays développés dans les années 80 (22 % du PIB), atteint 86 % du PIB en 2011.

Cette dette est désormais financée essentiellement par les marchés de capitaux et, dans le cas de la France, les non-résidents financent près de 70 % du total. La confiance des prêteurs est donc essentielle et les agences de notation ont un rôle important.

Face à la dette, il convient toutefois de rappeler qu’il existe un patrimoine (richesses culturelles nationales, infrastructures, usage des services publics, système de protection sociale…). C’est l’usage de ces actifs autant que le paiement de la dette qui constitue la chaîne de solidarité intergénérationnelle. En France, ces actifs représentaient, à fin 2010, 132 % du PIB. Ainsi, la France est, d’après l’OCDE, l’un des pays développés dont la richesse nette est la plus élevée. Pour autant, ces actifs ne peuvent servir à l’extinction de la dette, beaucoup d’éléments de ce patrimoine ne sont ni évaluables, ni aliénables.

Il est difficile de mesurer la soutenabilité de la dette ; elle dépend de plusieurs facteurs :

  • Le solde budgétaire primaire (avant charge d’intérêt)
  • Le niveau de la dette
  • Le taux de croissance du PIB
  • Le taux d’intérêt réel de la dette.

Il est nécessaire de traiter le problème de la dette publique dans le temps, en articulant mesures urgentes et stratégie ambitieuse pour stimuler une croissance durable. Un indicateur de tension peut être les taux auxquels un Etat doit emprunter mais aussi le niveau de la dette au regard des critères internationaux. Les risques en la matière dépendent aussi de la part de la dette financée par des non-résidents.

La mise en place de l’euro a conduit à une baisse générale des taux d’intérêt qui ont convergé vers le taux allemand. L’euro a ainsi facilité le financement indolore (ou presque) de la dette publique : la charge de la dette est inférieure à 3 % du PIB. Cependant, le montant des intérêts versés a atteint 47 mds d’euros en 2010 et la conjugaison de cette charge avec le refinancement des emprunts va obliger la France à emprunter 180 mds d’euros en 2012. Ce montant augmentera encore en 2013-2014. La France doit réduire son déficit si elle veut conserver des marges de manoeuvre.

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  • Résultat du vote : 101 pour, 52 contre, 57 abstention

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